lundi 30 avril 2012

Quelques photographies du Salon International du Livre Ancien au Grand Palais, édition 2012 à Paris les 27, 28 et 29 Avril 2012.


L'édition 2012 du Salon du livre ancien, associé au Salon de l'estampe et du dessin, au sein du prestigieux Grand Palais, à Paris, est bien finie ! Deux jours ne m'auront pas suffit (jeudi soir et vendredi) pour apprécier à leur juste valeur et dans le détail les milliers de livres et les milliers de dessins et estampes qui y étaient présentés. Cependant je suis revenu heureux et comblé (frustré aussi...). Heureux parce que j'ai passé d'agréables moments au milieu des beaux livres en compagnie de mes amis Eric (Librairie L'Escalier des Sages), Xavier (bibliophile), Textor (bibliophile), Jean-Marc (bibliophile), Samuel (bibliophile-libraire), Nicolas (bibliophile-libraire), et de nombreux autres qui se reconnaîtront. Les photographies que vous pourrez voir ci-dessous montrent le stand D1 de la librairie Eric Zink (Librairie L'escalier des Sages). Je n'étais équipé que de mon iPhone 4 et en rapidement en panne de batterie, je n'ai pu faire autant de photographies que j'aurais souhaité.














Voici donc un tout petit bout de Salon vu par la lorgnette du Bibliomane moderne. J'ai été heureux de faire la connaissance "en chair et en os" de M. Dutel, ainsi que de nombreux autres que je ne connaissais bien souvent que par mail ou par téléphone. Il faut souligner ici l'extrême sympathie de tous les libraires que j'ai pu croiser sur le salon. Membre du SLAM depuis le début de l'année 2012, je n'exposais pas cette année. Pour être franc, après mûre réflexion, je pense que faire le Grand Palais, même si c'est un objectif enviable pour tout libraire désireux de se faire connaître, n'est pas chose aisée : coût important, bonne dose de stress et d'adrénaline durant plusieurs jours et de longues semaines de préparation. A l'heure actuelle je ne suis pas certain que ce soit le genre de manifestation qui m'épanouirait. A voir donc pour l'an prochain, mais finalement, il y a assez peu de chance pour que je me décide positivement. Il m'aura fallut 10 ans pour envisager intégrer le SLAM, il me faudra bien encore 10 ans pour me décider à faire le Grand Palais ! (sourire).

Quoi qu'il en soit, ce fut un grand moment. Evidemment ce salon peut vite faire perdre la tête. Je suis reparti en me disant que c'était tout de même dommage de ne pas avoir encore 30.000 euros en poche... qui m'auraient permis d'assouvir jusqu'au bout ma passion. Et puis on prend le TGV du retour, on réfléchit, on se dit que 30.000 euros ce n'est pas rien ! Alors on oublie... et tout va mieux.

J'espère que de votre côté vous avez réalisé de nombreuses et très belles affaires.

Bonne semaine,
Bertrand Bibliomane moderne

mercredi 25 avril 2012

Salon International du Livre Ancien au Grand Palais. Rendez vous pour l'édition 2012 à Paris les 27, 28 et 29 Avril 2012 de 11h à 20h.

Cette année sera une année particulière pour la librairie ancienne L'Escalier des Sages, librairie spécialisée dans les sciences, sciences occultes, ésotérisme et autres réjouissances mathématiques et physiques ; ce sera son premier salon au Grand Palais. Eric Zink sera heureux de vous accueillir sur son stand, gageons que de nombreux membres se réclamant du Bibliomane moderne oseront franchir le pas et se présenter au maître des lieux. Souhaitons en tous cas un excellent salon à notre ami Eric. Audaces fortuna juvat ! Si vous n'avez pas la chance de pouvoir vous rendre au Salon, n'hésitez pas à visiter son site internet et le blog des nouveautés de la librairie L'Escalier des Sages. De beaux livres choisis vous y attendent. Voici les informations concernant ce salon tant attendu. Le Bibliomane moderne s'absente donc jusqu'à samedi... et même plus, puisqu'une fois le Salon du Livre ancien terminé, ce sera le moment des vacances (la truite fario est aux abois dans les gorges de l'Hérault parait-il... il ne reste plus qu'à la cueillir avec passion).

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

Salon International du Livre Ancien

au Grand Palais à Paris
Rendez vous pour l'édition 2012 

les 27, 28 et 29 Avril 2012 de 11h à 20h
Prix de l'entrée : 8 €
Vernissage sur invitation le 26 Avril 2012EXPOSITION DES COLLECTIONS
DU BARREAU DE PARIS
Voir le programme 2012.


Organisé par le Syndicat national de la Librairie Ancienne et Moderne


SLAM, 4 rue Gît-le-Coeur 75006 PARIS
T. 33 (0)1 4329 46 38
F. 33 (0)1 4325 4163
slam-livre@wanadoo.fr
www.slam-livre.fr

lundi 23 avril 2012

Un bien joli frontispice. Saurez-vous dire à quel ouvrage et à quelle édition appartient ce joli frontispice gravé à l'eau-forte ?

Saurez-vous dire à quel ouvrage et à quelle édition appartient ce joli frontispice gravé à l'eau-forte ?



Comme toujours, ceux qui savent illico sont priés de donner la réponse par mail à bertrand.bibliomane@gmail.com

Bonne soirée !
Bertrand Bibliomane moderne

samedi 21 avril 2012

Hommage à Philippe Gandillet, la Bibliophilie reconnaissante.

Le Bibliomane Moderne, prompt à honorer ses concurrents, estimant qu’il vaut mieux s’entendre avec eux, pour contrôler le marché, plutôt que de s’épuiser dans des luttes de prix fratricides, voudrait célébrer aujourd’hui la mémoire du plus âgé d’entre eux. : Philippe Gandillet !

Philippe Gandillet, gardien de librairie à la retraite, mais toujours immortel académicien, tout à la fois furieusement réactionnaire et délicatement misogyne, d’une culture encyclopédique abîmée dans la citerne des âges, animait avec bonhommie, les lundis seulement, un blog consacré aux curiosités bibliophiliques. Ce n’est que justice que nous profitions de sa présence sous la seule coupole à la mesure de sa gloire – je veux parler du Grand-Palais – pour lui offrir un ouvrage digne de son immortalité finissante. (Offre virtuelle, bien entendu, il ne faut pas pousser mémé dans les orties).

Pour ceux qui ne pourraient pas se libérer et entourer notre ami, un verre de Bandol à la main, sur la mezzanine du Grand-Palais, voici quelques illustrations et descriptions de l’ouvrage qui n’a pas été choisi au hasard mais sur rapport d’un groupe de concertation et après avis des lectrices de Elle.


Fig 1 Le plat supérieur orné de motifs floraux.



Fig 2 Le plat inférieur.


Pour l’extérieur, il s’agit d’une reliure du temps comme on en voit souvent à la charnière des XVIème et XVIIème siècle : Autant dire que ce livre est un parallélépipède rectangle parfait de 8,5 cm x 14,5 cm, presque aussi épais que large. Les plats ornés d'une succession de roulettes dorées formant cadres fleuronnés aux angles avec médaillon ovale au centre, tandis que le dos, de 5,5 cm, est orné comme les plats, le médaillon central excepté.

Le dos est muet comme une carpe, et prétendument lisse selon l’expert qui a officié lors de la vente, mais j’ai connu le dos d’une ukrainienne qui était bien plus lisse que celui-là.

Les reliures début 17ème évoluèrent sensiblement par rapport au siècle précédent quand apparut une nouvelle technique importée d'Italie et d'Espagne. Il s'agit de la dorure à chaud qui consiste à placer une feuille d'or entre la roulette préalablement chauffées, et le livre, afin d'incruster le métal dans les motifs dessinés.


Fig. 3 Dos Muet.



Fig 4 Détail du dos, prétendument lisse, selon certains experts.


Mais là n’est pas le plus important.

Ce livre est offert à Philippe Gandillet, qui occupe, comme chacun sait, le fauteuil 41 de l’Académie Française, parce qu’il contient la seule provenance qui trouve grâce à ses yeux, celle d’un autre académicien. On se souvient sans doute beaucoup moins que le fauteuil 20 de l’Académie fut occupé de 1637 à 1664 par un champenois célèbre pour ses infidélités. (Non, Bertrand, pas celles auxquelles vous pensez) : Nicolas Perrot d’Ablancourt.


Fig 5 Page de titre de l’édition de Samuel Crispin, à Genève.


Né à Châlons-sur-Marne, le 5 avril 1606, issu d’une famille protestante de Champagne, Nicolas Perrot d’Ablancourt fit ses études à Sedan, où professait alors le protestant Roussel. Son professeur devait apprécier cet élève brillant car il lui offrit les œuvres complètes de Sénèque dans une édition de 1614, après avoir ajouté sur la page de titre des félicitations appuyées à propos de son commentaire sur le panégyrique de Brandebourg. Ce détail sur la vie de Perrot d’Ablancourt et les circonstances dans lesquelles il a commenté le panégyrique de Brandebourg avait jusqu’à présent échappé à tous les biographes. (Mais pas au Textor !)


Fig 6 Ex-dono du Professeur Roussel daté de Mai 1620, au jeune Nicolaus Perrotus, catalauniensis, c'est-à-dire de Chalons-sur-Marne.


Nicolas Perrot d’Ablancourt fut reçu comme avocat, mais plaida peu. Après un périple de plusieurs années en Hollande et en Angleterre, il décida de revenir en France et entretint des relations avec les lettrés de son époque. Cinq ans après son retour, en 1637, il fut élu membre de l’Académie Française et se consacra tout entier aux lettres. Entre 1637 et 1662, il publia de très nombreuses traductions du grec et du latin : Arrien, Jules César, Cicéron, Frontin, Homère, Lucien , Plutarque, Tacite, Thucydide, Xénophon, etc…

Son talent pour la traduction était incomparable – certaines sont toujours éditées de nos jours - quoiqu’il prît quelques libertés avec le texte original, l’acclimatant au contexte et le modernisant au point que Gilles Ménage le raillait en disant qu’elle lui rappelait une femme qu'il avait aimée autrefois « et qui était belle mais infidèle». Ce qui fit dire à Voltaire que ses traductions étaient « de belles infidèles », mais on pourrait dire la même chose de Google Traduction !!


Fig 7 Reliure, détail des roulettes.



Fig 8 L’ouvrage de Sénèque « L.Annaei Senecae philisophi, et M.Annaei Senecae rhetoris opera quae extant omnia »


A son décès, en 1664, le fauteuil de Nicolas Perrot d’Ablancourt fut occupé par Roger de Bussy-Rabutin, mais c’est une autre histoire…

Bonne Journée,
Textor

vendredi 20 avril 2012

Ce ne sera pas tous les jours que le Bibliomane moderne sera mis en avant dans un article du site (Next) libération.fr !

Le Bibliomane moderne est cité dans les colonnes d'un article du site (Next) libération.fr publié ce jour 20 avril 2012. Je vous laisse apprécier cet article à l'aune des efforts qu'avait déployé le Vicomte Kouyakov pour nous faire découvrir l'oeuvre de l'illustrateur Rojan. Voici le lien vers cet article ICI.


Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

jeudi 19 avril 2012

Des chiffres et des armes : aide à l'identification.

Un lecteur du Bibliomane moderne fait appel à votre sagacité. Saurez-vous lui dire à qui appartiennent ces armes et ce chiffre frappés sur une reliure en maroquin de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Quelques indices indiqueraient une provenance suisse.





Vous êtes invité à laisser vos découvertes en commentaires ou par mail à bertrand.bibliomane@gmail.com 

Merci d'avance de votre participation,

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne




RÉPONSE : Reliure aux armes de Kaunitz-Reitberg (1711-1794), chevalier de la Toison d'or (autrichienne) en 1749. Pour plus d'informations http://de.wikipedia.org/wiki/Wenzel_Anton_Kaunitz . Merci à R. M. qui a trouvé la réponse en quelques minutes seulement. Bravo à notre fidèle lecteur calamar qui a également trouvé la réponse.


lundi 16 avril 2012

Bibliophilie ? Certes non ! Bibliomanie ? non plus ! Fétichisme littéraire ? assurément ! Un fragment de la tenture de lit de Madame de Sévigné lors de son séjour à Vichy en 1676.


Portrait de Madame de Sévigné par Mignard.
Musée Carnavalet, Paris.


Bibliophile ? Certes non ! Bibliomanie ? non plus ! Fétichisme littéraire ? assurément !

Voici le type d'achat inconsidéré que je suis capable de faire assez souvent et sans aucun scrupule. Cet achat ne rentre dans aucun des cadres raisonnés que je me fixe habituellement (belle reliure, belle édition, édition rare, auteur fétiche). Encore qu'ici la catégorie "auteur fétiche" semble avoir été malgré tout déterminante.

Ceux qui me lisent ici depuis longtemps savent mon attachement à la Divine Marquise, je veux dire Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (1626-1696), femme de lettres dans tous les sens du terme, heureuse cousine dudit Bussy-Rabutin, son cousin coquin. Bref, depuis plus de 15 ans maintenant je crois que j'ai eu en mains l'intégralité des éditions de ses Lettres. Enfin presque toutes, car vous devez savoir que l'édition primitive de 1725 (titre à la sphère) est pour ainsi dire introuvable. On en connait pas quatre exemplaires tous dans des dépôts publics. Sinon, toutes les autres, j'ai eu plaisir à les avoir en mains ; j'avoue d'ailleurs thésauriser un peu en en ayant toujours une dizaine d'exemplaires d'avance à proposer à mes clients les plus méritants (là je ne parle pas de portefeuille mais de flamme dans les yeux).

Donc, pour faire court, cette petite babiole me passe sous les yeux. J'avais la solution de la regarder de haut avec un air amusé et condescendant comme savent faire beaucoup de bibliophiles qui croient que le monde leur appartient et que tout le reste (ce qui ne les intéresse pas) n'est que billevesée. Mais non, mon regard fut accroché, voire happé par ce petit bout de rien du tout, cette relique pour fétichiste bibliophile.

Mais qu'est-ce donc au juste ? Il s'agit d'une carte de papier blanc, estampée à froid en encadrement, et sur laquelle a été cousue un morceau d'étoffe de couleurs verte. On distingue très nettement qu'il s'agit d'un morceau de soie brochée avec quelques fragments de motifs brodés pardessus, du même fil. Le morceaux d'étoffe mesure environ 95 mm de longueur pour 25 mm de largeur, avec un deuxième morceau replié au dessous, plus petit. Sous le morceau d'étoffe on peut lire les mots suivants, tracés à la plume en 1865 : "Fragment de la tenture du lit de Mme de Sévigné conservé dans la maison qu'elle a habité à Vichy en 1676. Pauline 1865." Le verso de la carte est vierge et laisse apparaître le fil de couture qui rattache le morceau d'étoffe à ladite carte. Par ailleurs, l'enveloppe qui contenait cette relique a été miraculeusement conservée, bien que légèrement salie, et porte sur le devant, écrit à la plume : "Tentue du lit de Madame de Sévigné à Vichy."

Émouvant non ? Pour tout vous dire, j'aurais trouvé ceci il y a plusieurs années de cela, je crois que j'aurais frôlé l'infarctus du myocarde ; aujourd'hui je suis un peu plus aguerri et j'avoue que cette découverte, totalement fortuite, entre plusieurs autres achats, est passée un peu plus inaperçue. Mais malgré tout je mesure ma chance. Tout le monde n'a pas chez soi un morceau de la tenture du lit dans lequel a couché Madame de Sévigné !

Evidemment certains rétorqueront avec Raison : "nous avons bien cinq bras de Sainte-Ursule (celle qui rigole...) et 3 tibias de St-Barnabé ! Alors qu'est-ce qui nous prouve l'authenticité de cette relique tissulaire ? Rien ! Vraiment rien sinon la foi qui a mis une certaine Pauline en 1865. Pauline étant le prénom de la Marquise de Simiane, petite-fille de Madame de Sévigné, on peut penser que cette autre Pauline, probablement de Vichy ou de passage à Vichy, aura voulu créer un lien entre elle et cette illustre épistolière.

Madame de Sévigné arrive à Vichy le 19 mai 1676. Elle en repart à la mi-juin. Elle y est venue en curiste pour y soigner des rhumatismes dans les genoux et les mains. Elle a alors 50 ans. La cure consistait, grosso modo, en une semaine de boisson, à raison de douze verres chaque matin, suivie d’une semaine de douches, une chaque matin, le tout se terminant par une autre semaine de boisson. Les après-midi étaient consacrés aux divertissement et aux promenades. Apparemment Madame de Sévigné logeait à priori dans une auberge dite "auberge du cheval blanc".

A priori, le lit dont il est question avec ce fragment de tenture, devait se trouver dans cette maison cossue, aujourd'hui dénommée Villa Sévigné (voir ci-dessous une carte postale ancienne du début du XXe siècle, vers 1900). Était-ce bien cette maison ? Je n'en sais rien.

Qu'est devenu ce fameux lit ? et cette tenture de soie brochée verte ? (dont on sait qu'au moins un fragment a été prélevé en 1865) ? Et bien si l'on en croit les cartes postales anciennes, ce lit se trouvait au début du siècle (et peut-être encore aujourd'hui en 2012 un siècle plus tard) au Musée Carnavalet qui, comme on sait, était une des résidences parisiennes de Madame de Sévigné entre 1677 et sa mort en 1696 (donc juste après son retour de Vichy à quelques mois près). Je vous laisse regarder les deux cartes postales anciennes datant des années 1900 et qui montrent le lit sous deux angles différents.

Quoi qu'il en soit, voici quelques éléments biographiques sur le passage de Madame de Sévigné à Vichy en 1676 d'après sa propre Correspondance. A défaut d'être totalement bibliomaniaque, ce billet aura au moins l'avantage de la vulgarisation sévignéenne. (vous passerez allègrement et sans aucun scrupule honteux la lecture de ces quelques lettres si cela est au dessus de vos forces de lecteur du XXIe siècle).




Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan sa fille

"Vichy, lundi au soir 1er juin.

Allez vous promener, Madame la Comtesse, de me venir proposer de ne vous point écrire : apprenez que c’est ma joie, et le plus grand plaisir que j’aie ici. Voilà un plaisant régime que vous me proposez ; laissez-moi conduire cette envie en toute liberté, puisque je suis si contrainte sur les autres choses que je voudrois faire pour vous ; et ne vous avisez pas de rien retrancher de vos lettres : je prends mon temps ; et l’intérêt que vous prenez à ma santé m’empêche bien de vouloir y faire la moindre altération. La réflexion que vous faites sur les sacrifices que l’on fait à la raison sont fort justes et fort à propos dans l’état où nous sommes : il est bien vrai que le seul amour de Dieu peut nous rendre contents en ce monde et en l’autre ; il y a longtemps que l’on le dit ; mais vous y avez donné un tour qui m’a frappée. C’est un beau sujet de méditation que la mort du maréchal de Rochefort : un ambitieux dont l’ambition est satisfaite, mourir à quarante ans ! c’est une chose digne de réflexion. Il a prié en mourant la comtesse de Guiche de venir reprendre sa femme à Nancy, et lui laisse le soin de la consoler. Je trouve qu’elle perd par tant de côtés, que je ne crois pas que ce soit une chose aisée. Voilà une lettre de Mme de la Fayette qui vous divertira. Mme de Brissac venoit ici pour une certaine colique ; elle ne s’en est pas trouvée bien : elle est partie aujourd’hui de chez Bayard, après y avoir brillé, et dansé, et fricassé chair et poisson. Le chanoine m’a écrit ; il me semble que j’avois échauffé sa froideur par la mienne ; car je la connois, et le moyen de lui plaire, c’est de ne lui rien demander. C’est le plus bel assortiment de feu et d’eau que j’aie jamais vu, Mme de Brissac et elle. Je voudrois avoir vu cette duchesse faire main basse dans la place des Prêcheurs sans aucune considération de qualité ni d’âge : cela passe tout ce que je croyois. Vous êtes une plaisante idole. ; sachez qu’elle trouveroit fort bien à vivre où vous mourriez de faim. Mais parlons de la charmante douche ; je vous en ai fait la description ; j’en suis à la quatrième ; j’irai jusqu’à huit. Mes sueurs sont si extrêmes, que je perce jusqu’à mes matelas ; je pense que c’est toute l’eau que j’ai bue depuis que je suis au monde. Quand on entre dans ce lit, il est vrai qu’on n’en peut plus : la tête et tout le corps sont en mouvement, tous les esprits en campagne, des battements partout. Je suis une heure sans ouvrir la bouche, pendant laquelle la sueur commence, et continue pendant deux heures ; et de peur de m’impatienter, je fais lire mon médecin, qui me plaît ; il vous plairoit aussi. Je lui mets dans la tête d’apprendre la philosophie de votre père Descartes ; je ramasse des mots que je vous ai ouï dire. Il sait vivre ; il n’est point charlatan ; il traite la médecine en galant homme ; enfin il m’amuse. Je vais être seule, et j’en suis fort aise : pourvu qu’on ne m’ôte pas le pays charmant, la rivière d’Allier, mille petits bois, des ruisseaux, des prairies, des moutons, des chèvres, des paysannes qui dansent la bourrée dans les champs, je consens de dire adieu à tout le reste ; le pays seul me guériroit. Les sueurs, qui affoiblissent tout le monde, me donnent de la force, et me font voir que ma foiblesse venoit des superfluités que j’avois encore dans le corps. Mes genoux se portent bien mieux ; mes mains-ne veulent pas encore, mais elles le voudront avec le temps. Je boirai encore huit jours, du jour de la Fête-Dieu, et puis je penserai avec douleur à m’éloigner de vous. Il est vrai que ce m’eût été une joie bien sensible de vous avoir ici. uniquement à moi ; mais vous y avez mis une clause de retourner chacun chez soi, qui m’a fait transir : n’en parlons plus, ma chère fille, voilà qui est fait. Songez à faire vos efforts pour me venir 1676voir cet hiver : en vérité, je crois que vous devez en avoir quelque envie, et que M. de Grignan doit souhaiter que vous me donniez cette satisfaction. J’ai à vous dire que vous faites tort à ces eaux de les croire noires : pour noires, non ; pour chaudes, oui. Les Provençaux s’accommoderoient mal de cette boisson ; mais qu’on mette une herbe ou une fleur dans cette eau bouillante, elle en sort aussi fraîche que si on la cueilloit ; et au lieu de griller et de rendre la peau rude, cette eau la rend douce et unie : raisonnez là-dessus. Adieu, ma chère enfant ; s’il faut, pour profiter des eaux, ne guère aimer sa fille, j’y renonce. Vous me mandez des choses trop aimables, et vous l’êtes trop aussi quand vous voulez. N’est-il pas vrai, Monsieur le Comte, que vous êtes heureux de l’avoir ? et quel présent vous ai-je fait ! Je suis extrêmement aise que vous ayez M. de la Garde : assurez-le de moi."

Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan sa fille

"Vichy, jeudi 4e juin.

J’ai achevé aujourd’hui ma douche et ma suerie ; je crois qu’en huit jours il est sorti de mon corps plus de vingt pintes d’eau. Je suis persuadée que rien ne me peut faire plus de bien ; je me crois à couvert des rhumatismes pour le reste de ma vie. La douche et la sueur sont assurément des états pénibles ; mais il y a une certaine demi-heure où l’on se trouve à sec et fraîchement, et où l’on boit de l’eau de poulet fraîche ; je ne mets point ce temps au rang des plaisirs médiocres : c’est un endroit délicieux. Mon médecin m’empêchoit de mourir d’ennui : il me divertissoit à me parler de vous, il en est digne. Il s’en est allé aujourd’hui ; il reviendra, car il aime la bonne compagnie ; et depuis Mme de Noailles, il ne s’étoit pas trouvé à telle fête. Je m’en vais prendre demain une légère médecine, et puis boire huit jours, et puis c’est fait. Mes genoux sont comme guéris ; mes mains ne veulent pas encore se fermer ; mais pour cette lessive que l’on vouloit faire de moi une bonne fois, elle sera dans la perfection. Nous avons ici une Mme de la Barois qui bredouille d’une apoplexie : elle fait pitié ; mais quand on la voit laide, point jeune, habillée de bel air, avec de petits bonnets à double carillon, et qu’on songe de plus qu’après vingt-deux ans de veuvage, elle s’est amourachée de M. de la Barois qui en aimoit une autre, à la vue du public, à qui elle a donné tout son bien, et qui n’a jamais couché qu’un quart d’heure avec elle, pour fixer les donations, et qui l’a chassée de chez lui outrageusement (voici une grande période) ; mais quand on songe à tout cela, on a extrêmement envie de lui cracher au nez. On dit que Mme de Péquigny vient aussi : c’est la Sibylle Cumée. Elle cherche à se guérir de soixante et seize ans, dont elle est fort incommodée : ceci devient les Petites-Maisons. Je mis hier moi-même une rose dans la fontaine bouillante : elle y fut longtemps saucée et ressaucée ; je l’en tirai comme dessus sa tige : j’en mis une autre dans une poêlonnée d’eau chaude, elle y fut en bouillie en un moment. Cette expérience, dont j’avois ouï parler, me fit plaisir. Il est certain que les eaux ici sont miraculeuses. Je veux vous envoyer par un petit prêtre qui s’en va à Aix un petit livre que tout le monde a lu, et qui m’a divertie ; c’est l’Histoire des Vizirs ; vous y verrez les guerres de Hongrie et de Candie, et vous y verrez en la personne du grand vizir que vous avez tant entendu louer, et qui règne encore présentement, un homme si parfait, que je ne vois aucun chrétien qui le surpasse. Dieu bénisse chrétienté ! Vous y verrez aussi des détails de la valeur du roi de Pologne, qu’on ne sait point, et qui sont dignes d’admiration. J’attends de vos lettres avec impatience, et je cause en attendant. Ne craignez jamais que j’en puisse être incommodée : il n’y a aucun danger d’écrire le soir. Voilà votre lettre du 31e de mai, ma très-chère et très-parfaitement aimable. Il y a des endroits qui me font rire aux larmes : celui où vous ne pouvez pas trouver un mot pour Mme de la Fayette est admirable. Je trouve que vous avez tant de raison, que je ne comprends pas par quelle fantaisie je vous demandois cette inutilité. Je crois que c’étoit dans le transport de la reconnoissance de ce bon vin qui sent le fùt : vous étiez toujours sur vos pieds, pour lui dire supposé, et un autre mot encore que je ne retrouve plus. Pour notre pichon, je suis transportée de joie que sa taille puisse être un jour à la Grignan. Vous me le représentez fort joli, fort aimable ; cette timidité vous faisoit peur mal à propos. Vous vous divertissez de son éducation, et c’est un bonheur pour toute sa vie : vous prenez le chemin d’en faire un fort honnête homme. Vous voyez comme vous avez bien fait de lui donner des chausses ils sont filles, tant qu’ils ont une robe. Vous ne comprenez point mes mains, ma chère fille : j’en fais présentement une partie de ce que je veux ; mais je ne les puis fermer qu’autant qu’il faut pour tenir une plume ; le dedans ne fait aucun semblant de vouloir se désenfler. Que dites-vous des restes agréables d’un rhumatisme ? Monsieur le Cardinal me mandoit l’autre jour que les médecins avoient nommé son mal de tête un rhumatisme de membranes : quel diantre de nom ! À ce mot de rhumatisme, je pensai pleurer. Je vous trouve fort bien pour cet été dans votre château. M. de la Garde doit être compté pour beaucoup ; je pense que vous en faites bien votre profit. J’ai fait sagement de vous empêcher la fatigue du voyage, et à moi la douleur de vous voir, pour vous dire adieu presque en même temps. Pour moi, je vivrois tristement si je n’espérois une autre année d’aller à Grignan ; c’est une de mes envies de me retrouver dans ce château avec tous les Grignans du monde : il n’y en a jamais trop. J’ai un souvenir tendre du séjour que j’y ai fait, et ce souvenir promet un second voyage, dès que je le pourrai. J’ai ri, en vérité, ma chère fille, mais c’est malgré moi, de la nouvelle du combat naval que notre bon d’Hacqueville vous a mandée : il faut avouer que cela est plaisant, et le soin qu’il prenoit aussi de m’apprendre des nouvelles de Rennes ; mais vous cherchez qui en rira avec vous, car vous savez bien le vœu que j’ai fait, depuis qu’il m’envoya une certaine lettre de Davonneau, qui me redonna la vie. Que dites-vous du maréchal de Lorges que voilà capitaine des gardes ? ces deux frères deviennent jumeaux et Mlle de Frémont est, en vérité, bien mariée, et M. de Lorges aussi. Je m’en réjouis pour le chevalier : je crois que plus son ami s’avancera, et plus il sera en état de le servir. Mme de Coulanges me mande qu’on lui a mandé que Mme de Brissac est guérie, et qu’elle ne rend point les eaux de Vichy : voilà bien notre petite amie. Vous la trouverez bien au-dessus des servitudes où vous l’avez vue autrefois : elle n’aime plus qu’autant qu’on l’aime, et cette mesure est bonne, surtout avec les dames de la cour. Vous avez fait transir le bon abbé de lui parler de ne pas reprendre à Paris votre petit appartement : hélas ! ma fille, je ne l’aime et ne le conserve que dans cette vue ; au nom de Dieu, ne me parlez point d’être hors de chez moi. J’adore le bon abbé de tout ce qu’il me mande là-dessus, et de l’envie qu’il a de me voir recevoir une si chère et si aimable compagnie ; si sa lettre n’étoit pleine de mille petites affaires de Bourgogne et de Bretagne, je vous l’enverrais. Quoi ! Rippert renonce la réponse de Gourville. Sachez qu’il m’a écrit bien honnêtement pour prier Gourville, comme intendant des affaires du prince de Conti, de lui donner le chaperon de Bagnols pour l’année 1678. Voilà ce que Gourville m’a répondu, et puis il se trouve que ce n’est plus lui. Je ne m’en soucie en vérité guère, puisqu’il le prend par là, je ne dis pas de Rippert, au moins de son chaperon. Le monsieur des courriers de Lyon s’appelle Séjournant, à ce que m’a dit la Bagnols, il s’appelle encore Rougeoux, et fait fort bien tenir nos lettres. Ma chère enfant, je vous embrasse mille fois avec une tendresse qui doit vous plaire, puisque vous m’aimez. Faites bien des amitiés à M. de la Garde et à M. de Grignan, et mes compliments de noces au premier. Baisez les pichons pour moi ; j’aime la gaillardise de Pauline : et le petit petit veut-il vivre absolument, contre l’avis d’Hippocrate et de Galien ? il me semble que ce doit être un homme tout extraordinaire. L’inhumanité que vous donnez à vos enfants est la plus commode chose du monde : voilà, Dieu merci, la petite qui ne songe plus ni à père, ni à mère ; ah ! ma belle, elle n’a pas pris cette heureuse qualité chez vous ; vous m’aimez trop, et je vous trouve trop occupée de moi et de ma santé : vous n’en avez que trop souffert."

Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan sa fille

"Vichy, ce 8e juin 1676

Hélas ! n’en doutez pas, ma fille, que je ne sois touchée très-sensiblement de préférer quelque chose à vous qui m’êtes si chère et que j’aime si parfaitement : toute ma consolation, c’est que vous ne sauriez douter de mes sentiments, et que vous verrez un beau sujet de faire votre réflexion de l’autre jour sur la préférence du devoir sur l’inclination : en voici un bel exemple ; et je vous conjure, et M. de Grignan, de vouloir bien me consoler de cette violence qui coûte si cher à mon cœur. Voilà donc ce qui s’appelle la vertu et la reconnoissance : je ne m’étonne pas si l’on trouve si peu de presse dans l’exercice de ces belles vertus. Je n’ose, en vérité, appuyer sur ces pensées ; elles troublent entièrement la tranquillité qu’on ordonne en ce pays. Je vous conjure donc une bonne fois de vous tenir pour toute rangée chez moi, comme vous y étiez, et de croire encore que voilà précisément la chose que je souhaite le plus fortement. Vous êtes en peine de ma douche, ma très-chère ; je l’ai prise huit matins, comme je vous l’ai mandé ; elle m’a fait suer abondamment ; c’est tout ce qu’on en souhaite, et bien loin de m’en trouver plus foible, je m’en trouve plus forte. Il est vrai que vous m’auriez été d’une grande consolation ; mais je doute que j’eusse voulu vous souffrir dans cette fumée : pour ma sueur, elle vous auroit un peu fait pitié ; mais enfin, je suis le prodige de Vichy, pour avoir soutenu la douche courageusement. Mes jarrets en sont guéris ; si je fermois les mains, il n’y paroîtroit plus. Pour les eaux, j’en prendrai jusqu’à samedi : c’est mon seizième jour ; elles me purgent et me font beaucoup de bien. Tout mon déplaisir, c’est que vous ne voyez point danser les bourrées de ce pays ; c’est la plus surprenante chose du monde : des paysans, des paysannes, une oreille plus juste que vous, une légèreté, une disposition, enfin j’en suis folle. Je donne tous les soirs un violon avec un tambour de basque qui me coûte quatre sous ; et dans ces prés et ces jolis bocages, c’est une joie d’y voir danser les restes des bergers et des bergères de Lignon. Il m’est impossible, toute sage que vous êtes, de ne vous pas souhaiter à ces sortes de folies. Nous avons la Sibylle Cumée toute parée, toute habillée en jeune personne ; elle croit guérir, elle me fait pitié. Je crois que ce seroit une chose possible, si c’étoit ici la fontaine de Jouvence. Ce que vous dites sur la liberté que prend la mort d’interrompre la fortune est incomparable : c’est ce qui devroit consoler de n’être pas au nombre de ses favoris ; nous en trouverons la mort moins amère. Vous me demandez si je suis dévote ; ma bonne, hélas ! non, dont je suis très-fâchée ; mais il me semble que je me détache un peu de ce qui s’appelle le monde. La vieillesse et un peu de maladie donnent le temps de faire de grandes réflexions ; mais ce que j’épargne sur le public, il me semble que je vous le redonne : ainsi je n’avance guère dans le pays du détachement ; et vous savez que le droit du jeu seroit de commencer par effacer un peu Sichée : vous savez la fable. Mme de Montespan partit jeudi de Moulins dans un bateau peint et doré, et meublé de damas rouge par dedans, que lui avoit fait préparer Monsieur l’Intendant, avec mille chiffres, mille banderoles de France et de Navarre : jamais il n’y eut rien de plus galant ; cette dépense va à plus de mille écus ; mais il en fut payé bien comptant par la lettre que la belle écrivit au Roi dans le même temps, qui n’étoit pleine, à ce qu’elle lui dit, que de cette magnificence. Elle ne voulut point se montrer aux femmes ; mais les hommes la virent à l’ombre de M. Morant, l’intendant. Elle s’est embarquée sur l’Allier, pour trouver la Loire à Nevers, qui la doit mener à Tours, et puis à Fontevrault, où elle attendra le retour du Roi, qui est différé par le plaisir qu’il prend au métier de la guerre. Je ne sais si on aime cette préférence. Je me consolerai facilement de la mort de Ruyter, par la facilité qu’il me paroît qu’elle donne à votre voyage. N’est-il pas vrai, vous me priez de vous aimer tous deux ? que fais-je autre chose ? Hélas ! soyez-en bien persuadés, et vous, que je vous parle toujours sincèrement, et que dans les arrangements de ma pauvre petite maison, rien ne me peut incommoder que le refus que vous m’en feriez. Vous êtes bien digne d’être instruite des manières de la duchesse ; cela passe encore tout ce que je vous en ai dit. Bayard m’est venu rendre compte du séjour qu’elle a fait chez lui ; enfin elle le mit au point qu’il crut qu’il ne pouvoit se dispenser honnêtement de ce qui s’appelle la tourmenter dans son lit, et voyez la belle opinion qu’on a de sa vertu : il fut persuadé de tout ce qu’on dit des marécages par la défense qu’elle fit. Vous avez vu comme je suis instruite de Guenani dans le temps que vous m’en parlez. Je viens de prendre et de rendre mes eaux à moitié : il est mardi, à dix heures du matin. Comme je suis bien assurée que, pour vous plaire, il faut que je quitte la plume, je le fais, ma très-chère, vous embrassant de toute ma tendresse."

Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan sa fille

"Vichy, ce jeudi au soir 11 juin 1676

Vous seriez la bienvenue, ma fille, de me venir dire qu’à cinq heures du soir je ne dois pas vous écrire : c’est ma seule joie, c’est ce qui m’empêche de dormir. Si j’avois envie de faire un doux sommeil, je n’aurois qu’à prendre des cartes, rien ne m’endort plus sûrement. Si je veux être éveillée, comme on l’ordonne, je n’ai qu’à penser à vous, à vous écrire, à causer avec vous des nouvelles de Vichy : voilà le moyen de m’ôter toute sorte d’assoupissement. J’ai trouvé ce matin à la fontaine un bon capucin : il m’a humblement saluée ; j’ai fait la révérence aussi de mon côté, car j’honore la livrée qu’il porte. Il a commencé par me parler de la Provence, de vous, et de M. de Roquesante, de m’avoir vue à Aix, de la douleur que vous aviez eue de ma maladie. Je voudrois que vous eussiez vu ce que m’est devenu ce bon père dès le moment qu’il m’a paru si bien instruit : je crois que vous ne l’avez jamais vu, ni remarqué ; mais c’est assez de vous avoir nommée. Ce médecin que je tiens ici pour causer avec moi ne se pouvoit lasser de voir comme naturellement je m’étois attachée à ce père. Je l’ai assuré que s’il alloit en Provence, et qu’il vous fît dire qu’il a toujours été avec moi à Vichy, il seroit pour le moins aussi bien reçu. Il m’a paru qu’il mouroit d’envie de partir pour vous aller dire des nouvelles de ma santé : hors mes mains, elle est parfaite; et je suis assurée que vous auriez quelque joie de me voir et de m’embrasser en l’état où je suis, après avoir su celui où j’ai été. Nous verrons si vous continuerez toujours à vous passer de ceux que vous aimez, ou si vous voudrez bien leur donner la joie de vous voir : c’est là que d’Hacqueville et moi vous attendons. La bonne Péquigny est survenue à la fontaine : c’est une machine étrange ; elle veut faire tout comme moi, afin de se porter comme moi. Les médecins d’ici lui disent qu’oui, et le mien se moquoit d’eux. Elle a pourtant de l’esprit très-bien avec ses folies et ses foiblesses ; elle a dit cinq ou six choses très-plaisantes. C’est la seule personne que j’aie vue, qui exerce sans contrainte la vertu de la libéralité : elle a deux mille cinq cents louis dont elle ne veut pas en remporter un ; elle donne, elle jette ; elle habille, elle nourrit les pauvres ; si on lui demande une pistole, elle en donne deux ; je n’avois fait qu’imaginer ce que je vois en elle. Il est vrai qu’elle a vingt-cinq mille écus de rente, et qu’à Paris elle n’en dépense pas dix. Voilà ce qui fonde sa magnificence ; et je trouve qu’elle doit être louée d’avoir la volonté avec le pouvoir car ces deux choses sont quasi toujours séparées. La bonne d’Escars m’a fait souvenir de ce que j’avois dit à la duchesse de l’embrasement du célestin ; elle en rit beaucoup ; et comme vous vous attendez toujours à quelque sincérité de moi dans ces occasions, la voici. Je lui dis : « Vraiment, Madame, vous avez tiré de bien près ce bon père ; vous aviez peur de le manquer. » Elle fit semblant de ne me pas entendre, et je lui dis comme j’avois vu brûler le bon célestin : elle le savoit bien, et ne se corrigera pas pour cela du plaisir de faire des meurtres. Vendredi à midi. Je viens de la fontaine, c’est-à-dire, à neuf heures, et j’ai rendu mes eaux : ainsi, ma très-aimable belle, ne soyez point fâchée que je fasse une légère réponse à votre lettre ; au nom de Dieu, fiez-vous à moi, et riez, riez sur ma parole ; je ris aussi quand je puis. Je suis troublée un peu de l’envie d’aller à Grignan, où je n’irai pas. Vous me faites un plan de cet été et de cet automne qui me plaît et qui me convient. Je serois aux noces de M. de la Garde, j’y tiendrois ma place, j’aiderois à vous venger de Livry ; je chanterois : Le plus sage S’entête et s’engage Sans savoir comment. Enfin, Grignan et tous les habitants me tiennent au cœur. Je vous assure que je fais un acte généreux et très-généreux, ma chère enfant, de m’éloigner de vous. Que je vous aime de vous souvenir si à propos de nos Essais de morale ! Je les estime et les admire. Il est vrai que le moi de M. de la Garde va se multiplier : tant mieux, tout en est bon. Je le trouve toujours à mon gré, comme à Paris. Je n’ai point eu de curiosité de questionner sur le sujet de sa femme. Vous souvient-il de ce que je contois un jour à Corbinelli, qu’un certain homme épousoit une femme ? « Voilà, me dit-il, un beau détail. » Je m’en suis contentée en cette occasion, persuadée que, si j’avois connu son nom, vous me l’auriez nommé. Vos dames de Montélimar sont assez bonnes à moufler avec leur carton doré. Hélas cette pauvre cassolette qui vient de Rome, que vous honoriez tant que vous n’en vouliez point, elle fut bien étonnée de se trouver à si bas prix. II me semble qu’elle est assez bien placée là sur cette table. Mandez-moi des nouvelles de votre divin chapelet de calamhouc. Je reviens à ma santé : elle est très-admirable ; les eaux et la douche m’ont extrêmement purgée ; et au lieu de m’affoiblir, je me suis fortifiée. Je marche tout comme un autre ; je crains de rengraisser, voilà mon inquiétude ; car j’aime à être comme je suis. Mes mains ne se ferment pas, voilà tout ; le chaud fera mon affaire. On veut m’envoyer au Mont-d’Or, je ne veux pas. Je mange présentement de tout, c’est-à-dire, je le puis, quand je ne prendrai plus les eaux. Personne-ne s’est si bien trouvée de Vichy que moi, car bien des gens pourroient dire : Ce bain si chaud, tant de fois éprouvé, M’a laissé comme il m’a trouvé. Pour moi, je mentirois ; car il s’en faut si peu que je ne fasse de mes mains comme les autres, qu’en vérité ce n’est plus la peine de se plaindre. Passez donc votre été gaiement, ma bonne ; je voudrois bien vous envoyer pour la noce deux filles et deux garçons qui sont ici, avec le tambour de basque, pour vous faire voir cette bourrée. Enfin les Bohémiens sont fades en comparaison. Je suis sensible à la parfaite bonne grâce : vous souvient-il quand vous me faisiez rougir les yeux à force de bien danser ? Je vous assure que cette bourrée dansée, sautée, coulée naturellement, et dans une justesse surprenante, vous divertiroit assurément. Je m’en vais penser à ma lettre pour M. de la Garde. Adieu, ma très-chère et trop aimable, je vous embrasse tendrement. Je pars demain d’ici ; je m’en vais me purger et me reposer un peu chez Bayard, et puis à Moulins, et puis m’éloigner toujours de ce que j’aime passionnément, jusqu’à ce que vous fassiez les pas nécessaires pour redonner la joie et la santé à mon cœur et à mon corps, qui prennent beaucoup de part, comme vous savez, à ce qui touche l’un ou l’autre. Parlez-moi de vos balcons, de votre terrasse, du meuble de ma chambre, et enfin toujours de vous : ce vous m’est plus cher que mon moi, et cela revient toujours à la même chose."

En espérant que cette petite balade dans le Grand Siècle vous fut agréable.

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

samedi 14 avril 2012

Discours de la droite administration des royaumes et républiques (1561).


L’accueil que vous avez bien voulu réserver au Livre de Police Humaine, dont les commentaires se sont prolongés bien au-delà de ce blog, sur les réseaux sociaux et dans les débats télévisés des candidats (NDLR : il paraîtrait même que Monsieur Mélanchon en aurait fait une large reprise ce soir même à Marseille), m’amène à ressortir un autre livre de Sciences Politiques que vous ne trouverez pas, celui-là, en librairie, car il ne fut imprimé qu’une seule fois et diffusé avec parcimonie.

C’est le Discours de la Droite administration des Royaumes et Républiques de Jean-Pierre Cermenate (1) (Giovanni Pietro da Cermenate), qui contient des conseils fort précieux pour gouverner correctement son royaume, en prenant exemple sur les grands hommes du passé. Machiavel ne fera pas autrement avec son Prince qui aura un succès de librairie bien meilleur.


Fig 1. Page de titre de l’édition latine du Rapsodie de Cermenati.


Tout d’abord, mettons les choses au point, la « droite administration du Royaume » (Recta regnorum ac rerumpublicarum administratione), ne signifie pas nécessairement une administration de droite. Gageons que François Hollande ou Jean-Luc Mélanchon saurons appliquer les bonnes pratiques de notre notaire.

J’ai oublié de vous dire que Jean-Pierre Cermenate était un notaire et syndic milanais qui vécut dans la première moitié du XIVème siècle. Homme de lettres, féru d’histoire, divers ouvrages consacrés à l’antiquité lui sont attribués, notamment un Tite Live et une Histoire de Milan, dont la dernière partie constitue des annales pour les années 1307 à 1313. Son style élégant et vigoureux tranche sur les habitudes de son époque. En 1312, il est mentionné comme faisant partie de l’ambassade envoyée par sa ville auprès de Guarnieri, vicaire de l’empereur Henri VII ; Il était encore vivant en 1337, avant que nous perdions sa trace (NDLR : à noter qu'il vécut à la même époque que notre cher ami Guillaume de Baskerville).

L’ouvrage fut imprimé à Lyon, à l’enseigne de la Salamandre des Frères Pénot. Brunet cite cet ouvrage à la fin de l'article consacré à Guillaume Guéroult qui en fit la traduction française qu’on trouve à la date de 1561 également, au format in-quarto, chez les Frères Pénot. (2)


Fig 2. La dédicace à Jacopo Ruppio Combrajo.


La typographie des frères Pénot, est assez belle, ils utilisent des lettrines, des culs de lampes et des bandeaux pour donner un peu de gaîté à ce petit ouvrage, qui est agréable de lire.

Sur le fond, Cermenati est pour l’égalité des citoyens, la relance de l’économie par la dépense publique et le mépris pour la langue de bois.

Chapitre 37 : Combien l’Avarice est répréhensible à un Prince, principalement quand elle a l’ambition jointe avec soi.

Chapitre 38 : Qu’il est un très bon remède pour conserver une cité en paix d’avoir soin et tout faire qu’il y ait une égalité entre les citoyens afin qu’aucuns trop élevés et enorgueillisme deviennent comme lions et loup ravissants.

Chapitre 39 : Entre les Hommes, il y en a quelques-uns qui se plaisent à brocarder et tachent de blasonner le renom de ceux qu’ils connaitraient être bien vu du Prince… alors qu’il leur serait mieux séant de défendre et garder la renommée de si vertueuses personnes des injures des maldisants ! … Fui l’accueil faux d’un vil personnage disait Horace !

Je ne peux rien affirmer mais je pense que les conseillers de Nicolas Sarkozy se sont grandement inspirés du chapitre 34 : Que le Prince doit aimer Concorde et ne lui convient avoir trop de défiance  en ses forces, quand il voit qu’il y a vicissitude et mutation de toutes choses !! (NDLR : heureusement qu'il va rencontrer Obélix... et peut-être la potion magique)

Un autre passage est valable quel que soit l’issue du scrutin : De quelle importance est la foi et combien c’est chose blâmable de ne garder point sa promesse.
 
Je vois bien que les amateurs de curiosa rongent leur frein et restent coït (NDLR : cher ami, je n'ai point voulu corriger votre mistake "coït" avec deux points sur le i ; il ne faudrait point que vous usiez d'un mot pour un autre à vos dépens). Promis, à compter du 23 Avril, Bertrand divulguera un de ces ouvrages coquins dont il a le secret, un tirage limité sur Hollande, bien sur…

Bonne Journée
Textor

(1)   Rapsodia Io Petri Cermenati, de recta regnorum ac rerumpublicarum administratione, deque principum moribus: ex optimis quibusque cum sacris, tum profanis authoribus collecta. Pet In-8 de (1) bl - 373 pp -  (3) bl -  sign.: a8,B-Z8a4, Lugduni ( Lyon) Ludouicum & Carolum Penot, fratres.

mercredi 11 avril 2012

Faisons un peu de politique avec Gilles d’Aurigny

La saison est propice aux débats politiques enflammés. Gauche, droite, centre, il va falloir se décider. L’occasion est trop belle, je ne pouvais pas vous présenter cette semaine l’almanach du bon jardinier, alors j’ai opté pour un ouvrage qu’il est urgent d’aller consulter – on le trouve chez tous les bons libraires -  avant de choisir celui qui aura la mission délicate de diriger la France : le Livre de Police Humaine


Fig 1 Reliure en tenue léopard, capable de se glisser dans tous les partis politiques sans être remarquée…


Le livre de Police Humaine (il faut entendre police au sens du XVIe siècle, rien à voir avec la marée-chaussée) est un digeste, donné par Gilles d’Aurigny, de deux ouvrages du siennois Francesco Patrizi (1413 - 1494) avec la collaboration de Jehan Leblond pour la traduction du latin en français. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner le titre entier qui vous expliquera mieux qu’un long discours que le terme « digeste » fait partie de ces supercheries littéraires : 


Fig 2 Titre général annonçant les deux parties de l’ouvrage.


Il existe aussi un titre particulier pour le livre premier qui vient compléter le titre général qui était vraiment trop succinct : « Le Livre de police humaine, lequel a esté extraict des amples volumes de François Patrice par maistre Gilles d’Aurigny et nouvellement traduict de latin en françois par maistre Jehan Le Blond ». Sous-titre : « De l’enseignement, estat, et régime de la chose publique, des gouverneurs, de la justice, de mainzt contracts et traphique des estrangers, des œuvres et besogne des ouvriers, qui par leur habileté font les villes riches et abondantes, la bonne prudence  et diligence desquelz icelles ne peuvent demourer en leur entier ».

Et un troisième titre pour le livre second dont je vous fais grâce.


Fig 3 Titre du premier livre.



Fig 4 Titre du second livre et marque des Angeliers à la fin du premier.


Vous l’avez compris, ce petit livre est précieux comme l’or, un vrai trésor pour gouverner sa vie et donc pour gouverner l’Etat, ce n’est pas moi qui le dit mais ce bon curé de Branville, le traducteur, dont la devise est un vrai programme politique à lui seul : « espérant mieulx ». C’est bien ce que vous penserez en mettant le bulletin dans l’urne, non ? 


Fig 5 Devise de Jehan Leblond à la fin de l’ouvrage.



Fig 6 Le curé de Branville aimait la langue française et en faisait la promotion bien avant du Bellay.


Francesco Patrizi (Alias François Patrice), est un étonnant personnage dont l’œuvre eut beaucoup de succès au XVIe siècle, en France plus qu’en Italie. Il est curieux qu’on l’ait à peu près complètement oublié aujourd’hui et qu’il soit aussi peu étudié. 

Ses traités sur la meilleure façon de gouverner rejoignent les grandes réflexions sur le pouvoir, l’Etat, la République, qui agitaient les cités italiennes et en font un précurseur du Prince de Machiavel. Thomas Elyot utilisa ses idées pour rédiger son Gouverneur  (1531). Sa vie est un vrai roman de série B : Né à Sienne, Pattrizi étudia au coté de Enea Silvio Piccolomini, le futur pape Pie II, et entretint des relations amicales avec les humanistes Panormita, Filolfo, Tranchedini ou Battista Guarino. Entré en politique, il fut envoyé comme ambassadeur à Florence, Rimini et au Saint Siège pour le compte de sa ville de Sienne. Impliqué dans une affaire de trahison, il fut emprisonné, torturé et envoyé en exil. Il prit alors la robe d’ecclésiastique et revient en grâce à l’avènement de Pie II qui le nomma évêque de Gaète en 1461. Ses deux principaux ouvrages sont le De Institutione Rei publica  (de l’enseignement de la chose publique) achevé entre 1465 et 1471 et son pendant, le De Regno et Regis Institutione (du gouverment du royaume et enseignement du Prince), écrit de 1481 à 1484.

D’une culture encyclopédique touchant tous les domaines des arts et des sciences, passant avec la même facilité d’un thème sur l’agriculture à un autre sur l’architecture des villes, le commerce, la chasse, les jeux, le théâtre, le sport à l’école, le permis de conduire, Patrizi s’intéressait à tout sous un angle pratique, en recherchant quels effets les activités humaines avaient sur le bien public, et en quoi l’accumulation des richesses pouvaient servir la vie en société. Traiter de la démocratie dans un ouvrage et du despotisme dans l’autre n’était pas le moindre de ses paradoxes. En fait, il cherchait à démontrer qu’un Prince éclairé et soucieux du bien de ses sujets pouvait très bien satisfaire la démocratie et que le peuple pouvait faire l’économie d’une révolution.

Evidemment, le Prince doit se plier à quelques contraintes assez peu à la mode à l’époque, comme accepter la liberté d’opinion, lutter contre les usuriers (je traduis, les trusts et le grand Capital), défendre la classe moyenne, protéger les ouvriers qui ne doivent pas être regardés comme des esclaves. (Et pourquoi pas prendre la Bastille, pendant qu’on y est !). Son modèle était Philippe d’Aragon. 


Fig 7 Gilles d’Aurigny choisit d’adresser son digeste à son seigneur et maitre Claude d’Annebault, gouverneur de Normandie.


La première question qui vient à l’esprit est de savoir s’il était un humaniste de gauche ou un humaniste de droite, notion difficile à définir aujourd’hui quand on lit le programme de nos candidats et qui n’avait, bien entendu, aucun sens à l’époque… Au premier chef, il déclare tout de go qu’il faut se méfier de la multitude, ce qui le situe plutôt à droite. Il compare le peuple à la mer, calme et stable en apparence, mais que le moindre vent transforme en un élément furieux… selon qu’il souffle de la droite ou de la gauche. D’un autre coté, il est certain que Patrizi avaient des idées, disons, avancées pour son époque, surtout pour un évêque. Il s’intéressait notamment à la démographie et prônait le droit à l’avortement et à la contraception. Je sens que vous ne me croyez pas, alors je cite :

« Ce qu’a montré Hypocras, par l’exemple comme quelquefoys une certaine femme eust receu la semence d’ung homme et ne l’eust rejectée , elle pria ledit Hypocras de lui donner conseil comme elle ne demeurait point enceinte…. » (Extrait du chapitre de l’enseignement pour les femmes grosses.) 


Fig 8 Chapitre sur les femmes grosses.



Fig 9 le tiers Livre.


Mais revenons à cette édition de 1546 ; Il est toujours étonnant de constater que les libraires établissent leur catalogue en se copiant mutuellement et lorsqu’une erreur s’y glisse, elle devient parole de doctrine, comme disent les juristes (error communis fecit jus !). Ainsi vous verrez partout, y compris dans la notice d’une vente Sotheby, que l’édition de 1546 est la seconde donnée par les Angelier après la première de 1544. Augmentée, disent-ils, du « Brief Recueil du livre d'Erasme qu'il a composé, de l'enseignement  du Prince chrétien ». Je ne partage pas cette opinion ! L’édition de 1544 est en 101 feuillets numérotés au recto  et l’édition de 1546 est un in-8 de  (8) ff - 101 ff - (11) ff - (4) ff - 108 ff, soit 232 ff ! L’édition de 1546 ne contient donc pas seulement le petit résumé du Bref Recueil du livre d’Erasme (qui est expédié en 18 ff  - ff 91 à 108)  mais Gilles d’Aurigny a poursuivi son travail pour donner le condensé du De Regno, à la suite du De Institutione. Cette édition du 1546, en deux livres à titres séparés, me parait donc être la première édition complète de l’originale. Un second privilège est daté du 22 Aout 1545, après un premier donné aux Angelier en 1544. 


Fig 10 Privilège de 1544.



Fig 11  Privilège de 1545.


Il est aussi mentionné dans les catalogues que le Livre de Police Humaine serait la première transcription en langue vernaculaire. Chers électeurs, on vous doit la vérité ! Le De Institutione Rei Publica  connut une grande diffusion en France, où il fut publié en 1494, puis 9 fois de 1514 à 1594 (en latin, évidemment). Les traductions françaises datent de 1520 et 1532 donc avant celle de Leblond. Il n’en va pas de même pour le De Regno, dont le manuscrit fut apporté en France par Jean Prévost, Conseiller au Parlement et publié à titre posthume pour la première fois en 1519 seulement. Sa traduction complète n’aura effectivement lieu qu’en 1577, c'est-à-dire postérieurement à la publication du livre de Police Humaine. Bref, les experts mélangent là encore les deux parties de l’ouvrage en français qui n’est une première traduction que pour la seconde partie. 

Je dirais que la morale de cette histoire est qu’il faut se méfier des belles notices des catalogues autant que des beaux discours politiques.

Bon choix, Mesdames, Bon choix Messieurs !
Textor

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...