vendredi 25 février 2011

Paolo Giovio, le chroniqueur des Peoples (1574).


Je me suis dit qu’il y avait déjà un moment que je ne vous avais pas présenté une petite chronique de la désormais célèbre série :
« il n’est pas blême, mon livre d’emblème ».

Voici donc le dernier opus : une édition italienne imprimée par Guillaume Rouille en 1574, qui regroupe le Dialoguo de l'impresse militari et amorose, de Paolo Giovio (Dialogues des devises d’armes et d’amours) auquel ont été ajoutés les Imprese Heroiche e Morali ritrovate da M. Gabrielli Symeoni, fiorentino (les Devises héroïques et morales du seigneur Gabriel Symeon, florentin).


Fig 1 Page de titre, à la marque de Rouille, c’est la partie du livre qui a le plus souffert.


Fig 2 Le Portrait de Paolo Giovio


Paolo Giovio, évêque de Nocera, natif de Come (1483 – 1552) est une figure intéressante de l’humanisme italien. Il était à la fois médecin, historien et biographe, un peu comme le Bibliophile Rhémus. Il commença à exercer à Come mais l’arrivée de la peste, qui pourtant aurait pu lui donner du travail, le fait fuir vers Rome. Il devint alors le médecin personnel du Cardinal Jules de Médicis (le futur pape Clement VII). Histoire de ne pas être pris en défaut si son protecteur venait à passer l’arme à gauche, il écrivit un traité, le De optima victus ratione, dans lequel il met en doute l’efficacité de la pharmacopée de son époque. (Finalement, il avait raison, la meilleure stratégie pour combattre la maladie restait la fuite !)

Après quoi, il écrivit quelques traités historiques tout à la gloire de son mentor, Clément VII, notamment une chronique des guerres d'Italie et d'Allemagne sur lesquelles il nous livre ses réflexions sous forme de dialogues fictifs entre Arioviste, chef des Suèves et César. (De Bello Germanico). Giovio se vantait d’avoir deux plumes pour les princes, l’une d’or et l’autre de fer, suivant qu’il en recevait ou non des faveurs. Au moins, il ne pratiquait pas la langue de bois !


Fig. 3 Jean de Médicis, depuis nommé pape Léon, pris pour devise un joug de bœuf pour signifier qu’il ne voulait pas être tyran de son pays. (Appréciez le paradoxe !)


Fig. 4 « Qui crépite annonce le silence ». Les conseillers tremblent de peur devant le marquis de Vast, comme lorsqu’on entend le son de cet instrument fait de petits marteaux qui remplacent les cloches et annoncent le saint jour des ténèbres. (Avant Pâques).


Giovio a plus d’une corde à son arc. Il aimait les peoples, et fréquenta ou entretint une correspondance avec les intellectuels, comme Léonard de Vinci, l’Arétin ou Pietro Bembo, mais aussi les puissants, François 1er, Charles Quint. Saviez-vous que c’est lui le véritable inventeur de Facebook ? En 1536 il se fit bâtir une villa à Borgo Vico, au bord du lac de Côme, probablement sur l’emplacement de l’antique villa de Pline le Jeune, qu’il appela le Musée, pour le seul plaisir de pouvoir y placer ses antiques, et tous les portraits des peoples, ses amis. Cette collection, « la plus célèbre d’entre toutes » lentement amassée avec le concours de son frère Benedetto, contenait plus de quatre cents portraits des figures marquantes de l’Histoire, véritable ancêtre de nos musées modernes. Ces tableaux, parmi lesquels figurait un portrait réputé authentique de Christophe Colomb (grande fierté de Giovio), étaient accompagnés de poèmes « éloges » notés sur des parchemins suspendus au cadre, rapportant brièvement la vie du personnage portraituré.

Une édition de cette galerie de portraits, intitulée « Le inscrittioni poste sotto le vere imagini de gli huomini famosi, le quali a Como nel museo del Giovio si veggiono » Torrentino 1552 était en vente au Grand Palais l’année dernière mais le marchand américain en demandait un prix prohibitif, donc vous ne les verrez pas !!

J’ai choisi pour illustrer l’œuvre de Giovio, son livre le plus … emblématique, un ensemble de harangues militaires d’éminents hommes de guerre de la Renaissance, arrangé autour du triptyque image – devise – commentaire, comme le veut le genre. La particularité de celui-ci réside dans le fait que la devise en latin est à chaque fois dans un bandeau intégré à la scène, et que l’image est toujours inscrite dans un ovale. (sans les encadrements d’arabesques, à la différence des éditions précédentes).

Fig. 5 Un Vaillant capitaine bourguignon, Monsieur de Gruer, Bailli de Dijon, amoureux d’une Dame rustique et rétive, laquelle avait encore un mari, fit représenter le mari en homme velu qui suivait un bœuf mené par sa femme toute aussi nue et chevelue ; avec la formule Menatemi e non temete.


Fig. 6 En ma jeunesse quand j’étais amoureux à Pavie, dit Giovio, je fus contraint par nécessité de prendre un parti dommageable, celui de l’animal qu’on appelle Castor et qui, sachant qu’il est poursuivi par les chasseurs à cause de ses génitoires qui ont grande vertu en médecine, se les arrache avec les dents, (Aîe !) et les laisse aux chasseurs avec un mot en grec, Anatki, qui veut dire nécessité.


Fig. 7 Une rondelle couronnée et transpercé d’une flèche pour le duc de Guise, signifiant qu’il est bon chevalier pour prendre et assaillir une ville et tuer ses ennemis à la campagne. ( ?)


D’abord publié au format in-12 sans illustration, à Rome en 1555, les dialogues ont été ensuite imprimés par Guillaume Rouille sous ce format en 1559, puis, joint aux emblèmes de Syméoni dans une version française en 1561 sous le titre: « Dialogue des devises d’armes et d’amours, avec un discours de M. Loys Dominique sur le mesme subjet, traduit de l’italien par le S. Vasquin Philieul. Auquel avons adjousté les Devises héroiques & morales du seigneur Gabriel Symeon ».

Cette édition de 1574 contient 102 emblèmes pour le Dialogo dell impressa et 35 pour les Deviso heroico. Les figures gravées sur bois, et le portrait de l’auteur sont dessinés par le Maître à la Capeline ; Baudrier préfère s’extasier sur les seuls encadrement, absents ici : "Les encadrements de ces vignettes sont d’une remarquable exécution et sont, à notre connaissance, une des premières œuvres de cet artiste." (Baudrier IX-255 & 277). Il faut espérer que le Maitre de la Capeline ne s’est pas contenté de réaliser les encadrements mais qu’il a aussi dessiné les emblèmes ! Benezit identifie le Maitre à la Capeline avec ''Thomas'' Maitre Peintre qui dirigea le travail des artistes pour l'Entrée de Charles IX à Lyon en 1564 (Dictionnaire critique, 1948, p. 222). Ce ''Thomas'' pourrait être Thomas Arande, artiste actif à Lyon de 1552 à 1561.

Fig. 8 Le duc de Come, qui avait le signe Capricorne commun avec Auguste déconfit ses ennemis florentins à la bataille de Mont Murlan, et il put dire : Je ferai par propre vertu ce que me promet mon horoscope. Sous ce Capricorne bondissant, une jolie vue de Florence, avec le Duomo de Brunelleschi et le pont sur l’Arno. Qui a repéré la boutique des Giunta ?


Pourquoi regroupa-t-on les devises de Giovio avec celles de Gariel Syméoni ? Je l’ignore. Ses devises n’ont rien de comparables à celles de Giovio, mais le style des vignettes est identique puisque c’est également le Maitre à la Capeline qui en serait l’auteur.

Symeoni est un humaniste florentin (1509-1575), ingénieur et poète à ses heures, Il voyagea un peu partout en Europe pour s’attirer les faveurs d’un Prince, mais de tempérament orgueilleux et inconstant, il ne parvint à se fixer nulle part.. Il nous laisse des vers et des petites monographies historiques. C’est lui qui le premier identifia le site de Gergovie dans la plaine de Limagne (dommage qu’il ne soit pas allé chercher Alésia … !). Un temps à Lyon, il fréquenta le cercle littéraire et érudit de Maurice Scève et de Guillaume Du Choul. (Cf Chatelain, Livres d’emblèmes et de devises, p. 106).

On sait par une mention figurant sur un manuscrit d'un livre d'emblèmes de Symeoni que le graveur de Guillaume Rouille, en l'occurrence le Maître à la Capeline, devait se rendre chez Du Choul pour y copier des représentations d'animaux. Les vignettes de ce livre nous donnent donc une idée d'un autre ouvrage perdu à ce jour, Des animaux féroces et estranges, qui semble avoir été conservé par la famille de l’imprimeur jusqu’au XVIIIe siècle.

Sur le fond, les devises de Syméoni sont des enseignements moraux plutôt convenus, qui tranchent avec l’image laissée par ce personnage turbulent, mais pas très inspiré.

Fig 9 Page de titre des emblèmes de Syméoni. Illustration de l’expression « avoir la tête dans les nuages ».


Fig. 10 La devise d’un vrai gentilhomme qui relève un pauvre tombé à terre, est Bis dat qui tempestive donat. Le bienfait est double à celui qui donne sans attendre de récompense.


Fig. 11 En revanche, on trouve souvent des personnes iniques et cruelles qui, nonobstant qu’on leur montre toute l’amitié du monde, sont sans pitié, comme la Mort qui ne laisse de tuer un homme qui lui crie merci.


Bonne Journée
Textor

Quiz pour bibliophiles : selon vous quel relieur a signé cette jolie reliure ?



Exemplaire Charles Hayoit
Collection B. H.-R.


Petit quiz entre ami(e)s ce soir. Selon vous quel relieur a signé cette jolie petite reliure ?

Quelques éléments d'information. Petit format 111 x 80 mm. Sur "Chansons nouvelles et dernières de P.J. de Béranger dédiées à Lucien Bonaparte." Publié à Paris, chez Perrotin, rue des Filles-S-Thomas, 1, place de la Bourse, même maison, rue des Beaux-Arts, n°9. 1833. Imprimerie de H. Fournier.

Ce que vous ne voyez pas : mention manuscrite à la mine de plomb au verso de la première garde : "Edition originale rarissime". Ont été reliées en tete, montées sur onglet, deux belles lettres autographes du chansonnier Béranger adressées à Perrotin (1830) pour la première et à M. Guernu (1834).



Ce que vous voyez : l'exemplaire porte l'ex libris de Charles Hayoit, bibliophile bien connu des amateurs de belles éditions du XIXe et du XXe siècle en belles reliures... (voir l'ex libris de Charles Hayoit en photographie ci-dessous).

Alors ? Qui a bien pu selon vous signer cette jolie reliure décorée aux petites fers dorés pointillés dans le genre du XVIIe siècle avec des pièces de mosaïque de maroquin rouge ?

A vos claviers !

Bonne nuit,
Bertrand Bibliomane moderne

jeudi 24 février 2011

Le saviez-vous ? Le cyclone du 10 septembre 1896 dévaste les boîtes des bouquinistes des quais de la Seine à Paris.


Dessin reproduit en héliogravure dans le journal l'Illustration de septembre 1896.
Les boîtes des bouquinistes du quai des Grands Augustins jetées sur le pavé au milieu des arbres déracinés.



Lecture de hasard hier soir. Le saviez-vous ? Le cyclone du 10 septembre 1896 dévaste les boîtes des bouquinistes des quais de la Seine à Paris. A vrai dire, selon les sources journalistiques consultées (La Nature, du 10 octobre 1896 notamment), il s'agissait à vrai dire plutôt de ce que les météorologues appellent une trombe. Mais lisez plutôt :

"Un cyclone, tel qu'on n'en a jamais vu de semblable à Paris, dépassant de beaucoup en violence le dernier ouragan, a dévasté plusieurs quartiers de la ville dans la journée du jeudi 10 septembre. Il a duré une minute à peine ; mais cela a suffi pour qu'on eût à regretter des pertes énormes, qui, malheureusement, ne sont pas seulement des pertes matérielles. Rien ne peut donner une idée de la brusquerie, de la violence et de l'étrangeté de cette tourmente. Il était 2h48 de l'après-midi, quand le cyclone s'est abattu sur le VIe arrondissement, place Saint-Sulpice, et, en moins d'une minute, il a parcouru, les VIe, Ier, IIIe et Xe arrondissements. Chose vraiment surprenante ! la tourmente n'a pas ravagé tout sur son parcours depuis la place Saint-Sulpice jusqu'à la Villette. Ce n'est qu'en certains points qu'elle a pour ainsi dire touché terre, et le journal Le Temps compare sa marche à celle d'une balle élastique, qui, lancée à terre sous un certain angle, irait son chemin en rebondissant cinq ou six fois avant de s'arrêter. Les points où le cyclone a produit ses ravages les plus considérables sont : la place Saint-Sulpice, le quait des Grands Augustins et le Pont Neuf, la place du Châtelet et le square de la Tour Saint-Jacques, le quartier Saint-Martin, le square du Temple, le boulevard Magenta et enfin le boulevard de la Villette. Sur tous ces points, tout a été saccagé : toitures enlevées, omnibus et voitures renversés, kiosques soulevés et emportés au loin, étalages dispersés et retombant en pluie sur les passants affolés, le spectacle était vraiment terrifiant. Tous les arbres des squares et des boulevards ravagés ont été détruits ; des arbres de 50 centimètres de diamètre ont été coupés ou déracinés. On a eu malheureusement à déplorer beaucoup d'accidents de personnes. Le nombre de victimes s'élève à une centaine, dont cinq sont morts et beaucoup grièvement blessés." (extrait de la Revue horticole du 16 septembre 1896, p. 18).

Certains articles, notamment celui du journal l'Illustration, de septembre 1896, donnent une idée du désastre pour les bouquinistes des quais, notamment pour ceux du quai des Grands Augustins. On imagine les boîtes des bouquinistes soulevées des parapets comme fétu de paille ! envolées, brisées, éparpillées aux affres de la tempête, les livres jetés à terre ou dans la Seine. On trouve dans l'Illustration le seul dessin que je connaisse des boîtes des bouquinistes jetées sur le pavé (voir ci-dessus). Quel malheur pour des milliers de livres ainsi détruits à jamais ! La nature est sans conteste notre maître à tous !

Le 10 septembre 1896, Octave Uzanne était quelques pas de là, au 17, quai Voltaire. Peut-être était-il en ballade sur les quais près du Pont Neuf et de St-Michel ce jour là ? Peut-être n'a-t-il rien vu ? Ce qui est certain c'est qu'il n'a pu ignorer ce phénomène météorologique qui jeta sur la chaussée des milliers de livres... Peut-être un jour en saurons-nous plus sur cet évènement et son vécu par les bibliophiles parisiens de l'époque ?...

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mercredi 23 février 2011

Courrier des lecteurs : des ouvrages de références sur les éditeurs et les éditions de curiosa.


Page de titre de "Bibliographie des principaux ouvrages relatifs à l'amour, aux femmes, au mariage indiquant les auteurs de ces ouvrages, leurs éditions, leur valeur et les prohibitions ou condamnations dont certains d'entre eux ont été l'objet." Par M. le C. d'I***.
Paris, Chez Jules Gay, éditeur, quai des Augustins, 25, 1861.
Paris, Typographie de Ad. R. Lainé, rue Jacob, 56.

1 volume in-8 de VIII-150-(1) pages. Broché sous couverture muette de papier vert.
Premier essai de la Bibliographie de J. Gay dont l'édition la plus complète sera publiée en 1894-1900, en 4 volumes in-8. [mention manuscrite sur la couverture : 8 f.] Cette première édition de 1861 aurait été imprimée à seulement 500 exemplaires selon Vicaire II, 603.
Collection privée B. H-R.



Courrier des lecteurs. Je ne doute pas que vous serez nombreux à pouvoir indiquer votre science en la matière à notre ami-lecteur Roger qui nous pose la question suivante :

"Bonjour, Je me permets de vous contacter pour savoir si il vou sserait possible de me dire si il existe des ouvrages de références sur les éditeurs et les éditions de curiosa ? Avec mes remerciements Roger. Un fidèle lecteur de votre blog"


Page de titre de Bibliographie clérico-galante. Ouvrages galants ou singuliers sur l'amour, les femmes, le mariage, le théâtre, etc. Ecrits par des Abbés, Prêtres, Chanoines, Religieux, Religieuses, Evêques, Archevêques, Cardinaux et Papes, par l'apôtre bibliographe (A. Laporte).

Paris, M.-A. Laporte, Libraire-Bouquiniste, 43ter, rue des Saints-Pères, 43ter, 1879.
1 volume in-8 de XXVIII-178 pages.
Ce volume sort des presses de Paul Schmidt, rue Perronet, 5.
Broché, couverture imprimée.
Ce volume se vendait 6 francs (imprimé au dos).
Édition originale tirée à petit nombre et produit de l'érudition du bouquiniste Laporte, farouche ennemi de notre ami Octave Uzanne... on en reparlera bientôt...
Collection privée B. H-R.

Et vous ? Quelles bibliographies relatives aux curiosa utilisez-vous ? anciennes ? modernes ?

A vos claviers !

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mardi 22 février 2011

Le plus grand plaisir du bibliophile : chercher ! Lou mariagi de margarido (1757) ??


L'un des plus grands plaisirs du bibliophile est de chercher des informations sur les ouvrages que le hasard lui a donné l'opportunité de croiser. Chercher, rassembler, comparer, estimer, mémoriser, etc. Je vous propose ce petit jeu avec l'ouvrage suivant, tombé complètement par hasard entre mes mains, et dont je ne sais strictement rien ...

LOU MARIAGI DE MARGARIDO, COUMEDIO EN UN ACTE.
[fleuron typographique et filet]. M. DCC. LVII. (1757).
Cahiers cousus par une simple ficelle, de format in-12 (17 x 10 cm), de 48 pages y compris le titre.


A vous de jouer !

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

Un papier décoré de la fin du XVIIIe siècle pris pour exemple servant de couverture pour un livre broché.


Billet tout en image aujourd'hui, voici un exemple de papier décoré original qui sert de couverture à un ouvrage broché, imprimé en 1797. Il s'agit d'un format in-8 (environ 22 x 14 cm). Le papier de couverture est de couleur jaune unie et est entièrement recouvert d'un semis régulier de touches de peinture noire. Ces touches de peinture noire ont sans aucun doute été réalisées "au pochoir" à la main, compte tenu de l'irrégularité de leur forme, bien que la disposition d'ensemble du motif soit régulière comme vous pouvez le voir.

Ce papier de couverture recouvre :
"Nécessité d'une religion dominante. Par un homme qui n'est ni Prêtre, ni Fanatique, ni Chouan, ni Emigné. Dédié aux gens de bien."
A Paris, chez les marchands de nouveautés, An 5e (1797).
(2)-145 pages.


Question : Peut-on qualifier ce papier de papier dominoté ?

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

samedi 19 février 2011

Les bibliophiles triés sur le volet dès l'envoi du catalogue de la vente ...


Hier soir j'ai fais de ces découvertes qui vous illuminent le cortex pour toute la nuit qui vient...


Comment interpréter ce que je vais vous montrer et que je n'avais encore jamais remarqué ? Coquetterie de libraire ? Coquetterie de bibliophile ? Chiffre du tirage sur l'un et l'autre des papiers ? Mais de quoi parle-t-on au juste ?

Il y a quelques jours je recevais un catalogue de la vente des livres rares et précieux composant la bibliothèque de M. P. G. P. Cette vente a eu lieu le lundi 6 février 1882 et les cinq jours suivants, à l'hôtel Drouot à Paris. L'expert de la vente étant le libraire A. Durel, ce même Durel dont je publie depuis quelques temps des correspondances à lui adressées par la cohorte des bibliophiles fin de siècle... Le catalogue de cette vente est d'ailleurs publié sous son nom "Paris, A. Durel, libraire. 9 et 11, passage du commerce et 21, rue de l'ancienne comédie."

Alors donc... quoi ? Ce catalogue de format in-8 est composé d'un feuillet de faux-titre imprimé en noir, d'un feuillet de titre imprimé en rouge et noir, 2 feuillets non chiffrés pour l'ordre des vacations, une préface paginée V à XXIII et qui contient la description raisonnée des trésors de cette bibliothèque proposée à l'encan. Cette préface n'est pas signée mais est sans aucun doute de la plume du libraire-expert A. Durel lui-même, comme c'est la coutume. On trouve ensuite dans les 215 pages du catalogues, la description de 734 numéros, tous plus rares et plus exceptionnels les uns que les autres.

Quelle bibliothèque ! On trouve également de nombreux fac-similés de titres pour les principales éditions originales (Molière, Corneille, Racine, Montaigne, La Fontaine, etc.) Un catalogue très agréable à lire, bien documenté, souvent peu bavard pour les ouvrages les plus connus, juste ce qu'il faut pour mettre l'eau à la bouche des amateurs de 1882 ... et même à ceux de 2011 ... on rêverait d'avoir sous les yeux et de toucher ne serait-ce qu'un instant cette bibliothèque de M. P. G. P. !!

Mais au fait, qui est M. P. G. P. ? Ah la belle question ! ... évidemment en bibliopolis il faut un peu de chance ... aussi ... et la réponse se trouvait deux étagères plus loin dans ma bibliothèque de documentation ...

Avant de vous dévoiler son nom, bien connu de tous les bibliophiles, même encore aujourd'hui, je dois vous dire que le catalogue que je viens de vous décrire est broché, il possède encore ses couvertures imprimées sur un gros papier épais un peu gris. Comme sur la page de titre du catalogue, on retrouve sur la couverture l'ex libris armorié et décoré du bibliophile... un ex libris parlant... un P (en lettre) suivant d'un lion (en version héraldique de type lion passant) ... l'ensemble du catalogue est imprimé sur un gros papier épais très oxydé par le temps devenu très marron et fort cassant, pour tout dire d'un aspect très médiocre et d'une manipulation peu aisée tant le papier est fragile...

P lion ... voici donc son nom ... M. Guy-Pellion ! Guy n'est pas son prénom ! Son nom entier est M. Guy-Pellion. Qui était-il ? Sa biographie, me semble-t-il, reste à faire comme pour beaucoup d'autres. La préface du catalogue ne nous dit rien de l'homme qu'il était.

Maintenant vous allez me dire, où allons-nous ? Un beau catalogue certes, une belle vente oui, de très beaux livres adjugés parfois plus de 1.000 francs or (plus de 10.000 euros actuels si on ose la conversion toujours délicate...) Mais me direz-vous, pourquoi avoir intitulé ce billet "Les bibliophiles triés sur le volet dès l'envoi du catalogue de la vente ..." .... Justement ... j'y viens !

Je vous disais donc, qu'à quelques rayonnages de là, dans ma bibliothèque, se trouvait un catalogue, qui me faisait énormément penser à celui-ci... je vais donc voir, le cherche... le trouve... l'ouvre... et regarde la page de titre... le feuillète... le compare... Eh oui ! c'était bien ça ! ... J'avais mis le doigt dessus. Mais regardez plutôt la curiosité. Cherchez l'erreur !



Vous avez trouvé ? Cherchez bien ! Oui ? ça y est ? Vous y êtes !

Il s'agit bien de la même vente, du même catalogue, à une différence près... mais coquette ! Dans mon exemplaire broché, imprimé sur mauvais papier devenu marron et cassant, le titre indique "... composant la bibliothèque de M. P. G. P." ... alors que dans mon autre exemplaire que je possède en demi-reliure de maroquin à coins et qui est imprimé sur un beau papier de Hollande, le titre indique : "... composant la bibliothèque de M. P. GUY PELLION" !

Vous avez compris l'astuce ? En résumé, le catalogue de cette vente a été imprimé sur papier ordinaire SANS le nom de l'amateur sur le titre, tandis que pour quelques exemplaires imprimés sur beau papier de Hollande, exemplaires sans doute réservés à quelques personnes de qualité (je ne sais pas lesquelles.... compte en banque ? lignage de haut rang ? famille ? amis ? ...), le nom de l'amateur a été imprimé sur le titre en toutes lettres. Étonnant non ?

Je n'ai pas eu l'occasion de relever cette curiosité d'esthète bibliophile à propos d'autres ventes. Pas plus que je ne sais le tirage total de ce catalogue sur l'un et l'autre des papiers, ordinaire et Hollande ? J'imagine que le tirage sur Hollande a dû être réduit à quelques exemplaires seulement si je dois me référer à un autre catalogue de vente dont je possède un des rares exemplaires sur Hollande. Il s'agit de la vente des livres de la bibliothèque de M. Descamps-Scrive (1925). Voyez ci-dessous la justification du tirage de ce catalogue, à la plume de la main de Léopold Carteret lui-même "L'un des 25 exemplaires sur papier de Hollande. Hommage de l'expert".


La vente René Descamps-Scrive étant en 3 catalogues, seuls les deux premiers sont sur ce beau papier, le troisième étant sur papier vélin plus ordinaire, sans justification, pourtant les reliures sont de même facture et proviennent de la même bibliothèque. Je ne sais pas si ce troisième catalogue a connu les honneurs d'un tirage de luxe sur Hollande ?

Voilà, vous connaissez toute l'histoire. Une découverte de rien dirons certains. Moi c'est le genre de petites histoires qui me plait ! On ne se refait pas !

Avez-vous en tête des exemples similaires ? Je suis curieux de savoir.

Je tenais aussi à signaler à Messieurs les libraires et experts en livres du XXIe siècle que je serais fort ravi de recevoir un exemplaire de tête sur Hollande ou sur Japon (je ne suis pas xénophobe) justifié de leurs mains mêmes ... qui ne rêve à rien se prive de tout ...

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

Ex libris gravé P. GUY PELLION
sur un Heraclius de 1647, in-12.
(envoyé par un amateur bourguignon)

vendredi 18 février 2011

Courrier des lecteurs : Dryocolaptès s'interroge et vous interroge à propos de lettrines du XVIe siècle ...



Bonsoir, pour rebondir sur le billet d'hier qui montrait de jolies lettrines issues du matériel typographique de l'atelier parisien de Josse Bade, un fidèle lecteur du Bibliomane moderne, Dryocolaptès (oui c'est un pseudo... et non ce n'est pas une espèce nouvellement découverte de dinosaurus genre Tricératops ...), lisez plutôt ce qu'il nous écrit et les photos qu'il nous confie pour étude.


"Merci, Bertrand, d'accorder de l'intérêt à cette demande très intéressée... Il y a une telle affinité entre cette lettrine et l'un des emblèmes de la "Delie" de Maurice Scève, que la question me trotte depuis longtemps dans la tête, et je n'ai jamais eu le temps de faire la recherche en bibliothèque. D'autre part, je ne connais pas de source iconographique antérieure à 1543 (la "Delie" est publiée en 1544, mais le privilège est de 1543... sans compter le temps qu'il a fallu pour faire tailler les 50 bois) : mais là encore, mes connaissances en ce domaine sont sans doute insuffisantes. J'ai ajouté quelques lettrines, pour faire bonne mesure, mais je crains que la plupart ne soient floues. Un C pour le suicide de Cléopâtre (c'est le motif d'un autre emblèmes de Maurice Scève), un F pour Phaeton (avec un F en italien), G pour Giovo, Jupiter, I pour Junon, N pour Neptune... Je regarde dans mes fichiers pour voir si j'ai un cliché propre de l'emblème de Scève. Si on met la main sur une lettrine antérieure à 1543, c'est un joli scoop ! Bien cordialement, Dryocolaptès."



Voici le 41ème emblème de "Delie object de plus haulte vertu", avec le dizain qui le suit et qui le glose.


NDLR : Au travail ! Il y a certainement de curieuses découvertes à faire.


Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

jeudi 17 février 2011

Le matériel typographique de Jodocus Badius ou Josse Badius ou encore Josse Bade (1462–1535).




Le livre ancien pris pour exemple. Voilà bien une règle qui m'a servi depuis plus de vingt ans maintenant pour évoluer tant bien que mal dans le milieu feutré du livre ancien. Curiosité, mémoire et ténacité sont sans doute les trois qualités principales que doit posséder à fond celui ou celle qui voudrait faire carrière de bibliophile ou de libraire, ou les deux.





Je vous propose ce soir d'évoluer au sein de l'atelier typographique de l'un des imprimeurs parisiens les plus célèbres du panthéon pressier, je veux dire Jodocus Badius ou Josse Badius ou encore Josse Bade (1462–1535). Son histoire n'est pas à faire ici, il y a plusieurs sites internet et de nombreux bio-bibliographies à recommander et recommandables sur cet éminent imprimeur qui connut les premiers temps de l'imprimerie à caractères mobiles peu de temps après Gutemberg et les premières années du XVIe siècle introduisant les premières révolutions dans le métier.





Ainsi, nous prendrons pour exemple son impression en 1510 de la Guerre des Juifs contre les romains d'après la version d'Hegesippe (*) et admirons le matériel typographique utilisé pour cette jolie impression. Je laisse aux spécialistes des éditions du début du XVIe siècle le soin de commenter ces ornements, cette typographie représentée par divers types de caractères (romain, gothique, etc). Pour ma part je me contente souvent de regarder ce genre de livre comme un tableau... avec le sens en plus... il nous délivre à 501 ans d'intervalle un message... celui du texte qu'il porte, et celui du respect qu'on doit à ceux qui nous ont permis de le lire. Respects à messieurs les pressiers de l'atelier de Badius ! Respects à messieurs les graveurs de lettrines ! respects à messieurs les papetiers ! ...













Pour mémoire un précédent billet consacré à Josse Bade ICI.

Au plaisir de vous lire,
Bertrand Bibliomane moderne





(*) HEGESIPPUS [Flavius JOSEPHE] [DE BELLO JUDAICO] AEGESIPPI HISTORIAGRAPHI FIDELIS SIMI AC DISSERTISSIMI ET INTER CHRISTIANOS ANTIQUIS SIMI HISTORIA DE BELLO JUDAICO. SCEPTRI SUBLATIONE. JUDAEORUM DISPERSIONE. ET HIEROSOLIMITANO EXCIDIO. ADIVO AMBROSIO MEDIOLANEN. ANTISTITE E GRAECA LATINA FACTA CUM EJUSDEM ANACEPHALEOSI ET TABELLIS CONGRE. VENTIARUM CUM JOSEPHI LIBRIS ETIAM DE GESTIS MACHABEORUM. Souscription au f. LXXVII r° : Finis inedibus Ascensianis ad calendas Junias. M.D.X. (Paris, Josse Bade, 5 juin 1510). Marque de Josse Bade sur le titre. 1 volume petit in-folio (26 x 20 cm) de 1 feuillet (titre et épître de Josse Bade, éditeur, au verso), LXXVII feuillets chiffrés, 5 feuillets non chiffrés, le dernier feuillet blanc manque. Caractères romains, manchettes. Reliure plein parchemin du XVIIe siècle. PREMIÈRE ÉDITION TRÈS RARE. Selon Renouard, « cette adaptation latine du « De Bello Judaico » de Flavius Josephe (c.37-c.100) fut faite vers 367-374 par un auteur anonyme. Une erreur du copiste qui a sans doute confondu Josippus et Hegesippus est à l’origine du nom. » Cette version fut très peu diffusée car elle donne le peuple juif responsable de la mort du Christ, mort qu’il paiera par la destruction de Jérusalem. Badius donnera une nouvelle édition 2 ans plus tard (30 décembre 1511 – Renouard, Badius, II, 488) et une autre en 1524. Cette première édition de 1510 se trouve, en France, à la Mazarine et à la bibliothèque de Chartres, d’après Renouard, et aussi Deventer, Gand, Genève. (décompte 1908) – Autres exemplaires localisés à ce jour (2009) : BM Toulouse – Poitiers – Besançon. Friedlaender library, part II, 2001, n°343. Adams H-144. Moreau, Inventaire chronologique des éditions parisiennes du XVIe siècle, I, 1510, 97. Marque n°1 de Badius au titre et titre sans encadrement (Renouard). D’abord élevé chez les frères de la vie commune à Gand, Josse Bade poursuivit ses études à Louvain puis en Italie, où il fut l’élève de Battista Guarino et brièvement de Philippe Béroalde l’ancien. Il enseigna à Valence et à Lyon et commença à publier (notamment ses Sylvae morales) chez le libraire Jean Treschel, dont il devint le correcteur puis l’associé. En 1499, il s’installa à Paris et à partir de 1503 à son propre compte sans doute avec l’aide du libraire Jean Petit. Il poursuivit ses activités d’éditeur scientifique tout en imprimant. Son atelier était le rendez-vous des humanistes. Gravitait autour de son atelier tout un cercle de collaborateurs (Bérauld, Dubois), les Ascensiani. Il entretenait par ailleurs des relations avec la plupart des grands humanistes européens. Josse Bade édita durant toute sa vie les classiques latins, en fournissant des commentaires. Dès 1500, parurent ses commentaires familiers sur les épîtres, les satires et l’art poétique d’Horace dont des fragments avaient déjà paru dans les Sylvae morales, la première édition des épîtres date d’octobre, celle des satires a dû la précéder. L’ensemble de ces commentaires d’Horace est réuni en 1503 (avec ceux d’Antonio Mancinelli). On trouve déjà dans les éditions de Josse Bade, outre les gloses d’Acron, Porphyrion et Mancinelli, des annotations d’Alde Manuce, et de M. Bonfini (dans l’édition de1519). En 1543, sont ajoutées les annotations d’Henri Glarean, en 1546, celles de Parrhasius, d’Erasme, Politien, Sabellicus, de Cælius Rhodiginus, de Pio, de Crinitus, de Robortello, etc., dans une sorte de processus additionnel qui réunit l’aréopage humaniste le plus large et le plus européen. Voir Ph. Renouard, Bibliographie de Josse Bade Ascensius, Paris, 1908, sur Horace, II, p. 496 et s. Ph. Renouard, Imprimeurs et libraires parisiens du XVI siècle, Paris, 1969, II, 6-297. Contemporaries of Erasmus,I, 79-81. Josse Bade, dit Badius (1462-1535), préfaces de Josse Bade, (1462-1535), trad., intr. et notes par M. Lebel, Louvain, Peeters, 1988. Très belle édition ornée de 5 grandes lettres ornées à fond criblé (60 x 60 mm) et de très nombreuses lettres ornées gravées sur bois de plus petite taille (33 x 33mm, 27 x 27 mm et 13 x 13 mm). Les titres courants sont en grandes lettres gothiques, le texte est imprimé en caractère romain. Le verso du dernier feuillet est couvert de notes en grec et en latin (extrait des « Histoires » de Zosine, livre 4, p. 74 (édition non mentionnée). Quelques notes manuscrites. Une note manuscrite en latin sur la page de titre indique « qu’il existerait un original « exemplar » grec ? Il semble avoir été perdu, si tant est que cette version ne nous soit jamais parvenue. » Références : Renouard, Bibliographie des impressions et des œuvres de Badius Ascensius, 1908, II, 486 : « Édition soignée par Jacques Lefèvre d’Etaples. » (notice de la librairie L'amour qui bouquine)


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