mercredi 30 septembre 2009

Pierre Berès Expert : deux ventes de beaux livres en 1961 et 1997.



Pour clore cette parenthèse enchantée qu'était la compagnie du géant Pierre Berès et de ses livres, voici deux évocations de Pierre Berès expert en livres et autographes.

Ce sont deux ventes distantes l'une de l'autre de 36 années. Lors de la première que nous évoquerons, en 1961, Pierre Berès est âgé de 48 ans, il a pourtant plus de 30 ans de carrière derrière lui... presque un jeune homme donc en somme. La deuxième vente évoquée s'est déroulée en 1997, le Prince des libraires avait 84 ans depuis juin.


La première vente est celle intitulée "Collection J D" (pour Jean Davray). Cette importante vente présentait aux amateurs du monde entier un choix exceptionnel de livres en éditions rares et bien reliées, des autographes de premier ordre. "Manuscrits et livres précieux du quinzième au vingtième siècle - Autographes historiques et littéraires, lettres de peintres, reliures" indique la page de titre. 315 numéros pour un catalogue aussi imposant que la collection qui y est décrite. Il s'agissait de disperser la collection de Jean Davray, bibliophile, collectionneur. Pierre Berès n'était pas le seul expert en lice, il y a avait à ses côtés Michel Castaing - je suppose qu'il s'agit du père ou du parent de l'actuel Président du SLAM, Frédéric Castaing, spécialisé dans les autographes - , et F. de Nobèle (rue Bonaparte, Paris). La vente fut menée successivement par trois commissaires priseurs, Me Maurice Rheims, Me René-G. Laurin et Me Philippe Rheims. C'est à l'occasion de cette vente historique que la BNF pu racheter le portrait de Pascal dessiné à la sanguine par Domat, portrait qui se trouvait dans un exemplaire du Corpus juris civilis de Justinien. C'est Jean Davray lui même qui l'offrit à la BNF en le rachetant dans la salle... Pour la petite histoire... C'était au début de la deuxième vacation de la vente de la collection de M. Davray, Me Maurice Rheims, qui dirigeait les enchères avec Mes René Laurin et Philippe Rheims, avait demandé 45 000 NF pour ce célèbre portrait signalé par Jean Couvreur dans le Monde du 6 décembre 1961 en même temps que l'ensemble de la collection. Le document atteignait rapidement 340 000 NF et allait devenir la propriété d'un amateur étranger lorsque M. Davray fit stopeer les enchères et se le fit adjuger en disant : "Je souhaite que ce portrait unique, soit désormais à l'abri du temps et prie M. Julien Cain, administrateur général de la Bibliothèque nationale, de bien vouloir l'accepter pour cette institution." ... Pierre Berès, plus de 40 ans plus tard devait certainement se souvenir de ce geste chevaleresque d'un bibliophile amoureux de ses livres et conscient du trésor historique qu'ils représentent parfois, en offrant lui-même à son tour le manuscrit corrigé de la Chartreuse de Parme de Stendhal à la BNF en 2005 (estimé 400 / 700 000 euros). D'après une coupure de presse jointe à mon exemplaire du catalogue de la vente Davray, on lit que les deux vacations produisirent la somme de 2 192 980 NF. La vente se déroulait dans le cadre somptueux du Palais Galliera.


La deuxième vente que nous évoquerons avec Pierre Berès à la chaise de l'expert est celle d'une "importante collection de livres galants, curieux et classiques" du lundi 22 décembre 1997. Le catalogue est joli, bien illustré, les notices assez succinctes mais intéressantes. On y remarquait, parmi les 609 lots, de nombreux livres reliés en beau maroquin du XIXe siècle, reliures signées des grands maîtres Trautz, Capé, Lortic, Bauzonnet, mais également des reliures de Bozérian, Purgold, Simier, Derome, etc. Il y a avait vraiment un grand nombre de livres curieux et même "curiosa" dans cette vente. Voici quelques titres pris au hasard : "La cabinet de Lambsaque, 1784" - Catéchisme des courtisans, 1668" - "Le cocu consolateur, 1810" etc. Evidemment, il ne faut pas chercher là une vente du même niveau que celle de Jean Davray ; il s'agissait ici de beaux livres, peu communs, bien reliés mais souvent en reliures postérieures, fussent-elles du XIXe siècle et signées. Point de pièces "rarissimes" donc. Pierre Berès, 84 ans passés, a dû bien s'amuser à diriger cette "petite" vente "bibelotière". A-t-il acheté quelques lots ? En retrouverait-on sur ces derniers catalogues publiés entre 1998 et ses dernières années ?? Je n'ai pas cherché.

Voici que la session d'hommage à Pierre Berès tombe temporairement le rideau. Nous aurons bientôt, c'est certain, l'occasion de revenir sur le Prince des libraires et ses merveilles.

En espérant vous avoir fait passer un agréable moment avec cette parenthèse enchantée et enchanteresse dans le monde du beau livre.

Bientôt Textor et Xavier vont vous soumettre leurs dernières productions, mais avant vous aurez droit à un petit bilan des statistiques explosives de fréquentation du Bibliomane moderne pour septembre. Merci encore à toutes et à tous ceux qui nous suivent chaque jour plus nombreux.

Bonne journée,
Bertrand

mardi 29 septembre 2009

Les autographes de Pierre Berès : un trésor inestimable !




Pierre Berès nous accompagne donc cette semaine, continuons un bout de chemin avec lui, ce sera comme un hommage que le Bibliomane moderne veut rendre au grand homme du livre qu'il était.

Vous voyez en tête de ce billet, la reproduction photographique de la couverture du catalogue 10 de la librairie Pierre Berès, ou plus exactement "Pierre Berès Librairie Incidences" sise au 24, rue Laffitte à Paris, en 1935. Joli mais sobre et mince catalogue de "Livres et autographes" contenant 210 numéros.

Un des premiers catalogues du Prince des libraires. Quelqu'un saura-t-il nous dire pourquoi Pierre Berès avait donné ce nom "Librairie Incidences" à sa librairie nouvellement créée ?? De mon côté je n'ai pas trouvé l'information. Quelle étrangeté peut bien se cacher derrière ce mot qui n'a bien évidemment pas été choisi par hasard ??!! Une piste : André Gide et son "Incidences", recueil d'articles paru en avril 1924 ?? L'idée se défend puisque Gide et Berès étaient voisins (rue Vaneau à Paris) et amis (Gide confie trois manuscrits à vendre à Berès en 1930, dont celui de Si le grain ne meurt.)

Pierre Berès a 22 ans en 1935 !

Un coup d'œil rapide sur ce mince mais très riche catalogue nous donne un aperçu de ce qu'il pouvait proposer à l'époque ainsi que les prix pratiqués.

Quelques exemples :

- Les Fleurs du mal de Baudelaire, 1857, EO, reliure mar. de Stroobants. Envoi de Baudelaire à Charles Monselet. 2.700 francs. (*)

- Le roi s'amuse de Victor Hugo, 1832, EO, ex. Béraldi. 1.000 francs.

- Les illuminations de Rimbaud, 1886, EO, 1/30 ex. sur Japon, reliure de Huser. 6.000 francs.

- Lettre autographe de Huysmans à Camille Mauclair. 3 pp. in-16. 1894. 375 francs.

- Lettre autographe de Victor Hugo à Gustave Flaubert, 1 p. in-8. 650 francs.

- Lettre autographe de Verlaine au Président de la société des gens de Lettres, 1893, 2 pp. in-8. 475 francs.

La part belle est faite aux éditions du XIXe siècle et du XXe siècle. On y rencontre Gide, Loti, Rimbaud, Proust, Hugo, Balzac, etc, ainsi que quelques rares anciens comme Corneille, Boileau, La Bruyère, Du Bellay, etc.

A la lecture de ce catalogue et d'autres du même type parus les années suivantes et encore assez récemment, une question vient inévitablement : que sont devenus les autographes de la librairie et de la collection Pierre Berès ?


Car on ne peut guère douter que le fin libraire qu'il était conservait pour lui de précieux autographes. Pierre Berès, dans un autre catalogue intitulé "Autographes et documents évocateurs de cinq siècles" (catalogue 62), proposait 220 autographes et documents manuscrits, dont certains très importants. Que sont-ils devenus ?

Lors des six ventes historiques du fond de sa librairie qui eurent lieu à Paris de 2005 à 2007, point d'autographes ou presque. Où sont-ils ?

Je gagerais bien sur ma foi si j'en avais une que ces "précieux documents" ne tarderont pas à sortir au grand jour. En salle des ventes ? Au détour de catalogues de libraires ? En vrac, en lot ou à l'unité ? Sans doute y-a-t-il de quoi faire l'une des plus belles ventes d'autographes jamais réalisée.

Les autographes semblent pour Pierre Berès comme ses premières amours.

Votre avis au sujet des ces autographes m'intéresse.

Bonne journée,
Bertrand

(*) 1 FF 1935 = 0.72109 euros en 2008 (Source INSEE). On voit bien que les prix ramenés à la seule conversion en francs constant ne veut strictement plus rien dire. Il faut juste essayer de comparer les prix entre eux sur une même période. Il est intéressant de noter que l'EO des Fleurs du mal de Baudelaire avec envoi est cotée à peine trois fois le prix d'une belle EO de Victor Hugo... Les temps changent.

lundi 28 septembre 2009

Restons en bonne compagnie : Pierre Berès et la bibliographie.





La compagnie des beaux livres est agréable comme celle des bonnes gens. Les livres présentés par Pierre Berès au fur et à mesure des catalogues de sa libraire sont un régal pour le bibliophile curieux. Sans aucun espoir de voir un jour ce type d'ouvrages sur mes rayons, je ne peux pourtant m'empêcher de les admirer, les sentir presque même, par catalogue sur papier glacé interposé. C'est sans doute parce que ces catalogues sont agréables, instructifs et beaux.

Nous voici aujourd'hui en présence du catalogue 71 de la librairie Pierre Berès, publié en 1980, richement illustré en couleurs, comme toujours ou presque. Ce catalogue a pour titre "Pays-Bas anciens" et contient 261 numéros entièrement consacrés à ce sujet. Pierre Berès glisse un mot au verso du titre imprimé en guise de préface.

"Ce catalogue comporte trois sections : manuscrits, incunables et livres imprimés après 1500, disposées en ordre alphabétique. On n'a pas dressé de tables, ni des lieux d'impression, ni des imprimeurs, ni des relieurs, qui n'auraient pu être qu'infimes au regard de ce qu'indiquent les répertoires spécialisés. Il y a peu de références aux bibliographies consultées : on a écrit naguère(*) pourquoi il était oiseux de renvoyer à l'ensemble des sources ayant servi à l'établissement d'une notice un lecteur qui n'a pas l'occasion ou le désir de les connaître. Outre l'indication des données physiques de chaque livre, le rédacteur doit décrire l'ouvrage d'une façon aussi éloquente pour le spécialiste que pour le profane, c'est à dire le situer dans son époque et en montrer l'intérêt spécifique. Cette rédaction contraint à des compilations, des confrontations, des vérifications, et impose un choix et des partis. Cela débouche parfois sur des mises au point qui s'inscrivent à leur tour dans les acquis bibliographiques et servent à d'autres rédacteurs. Quelques-unes des descriptions qui suivent, aux rubriques Amori Divinis, Arias Montanus, Nadal, etc., sont peut-être de ce type, soit qu'elles fassent apparaître des aspects formels précédemment insoupçonnés ou négligés, soit qu'elles contiennent des appréciations qui recueilleront l'accord.

(*) Les références bibliographiques... sont, la plupart du temps, inutiles dans les catalogues. Malaisées à contrôler ou désuètes, elles restent... affaire de spécialistes ; c'est au rédacteur de réunir, vérifier, confronter et coordonner des indications parfois imprécises, souvent contradictoires et presque toujours fragmentaires. Par opposition aux références usuelles, les cautions des hypothèses et les sources des vues neuves sont évidemment toujours indiquées comme sont nommés les auteurs de découvertes récentes. (Collection Robert Danon, Catalogue de vente à Paris, 21 mars 1973).

Personnellement je trouve ce point de vue plutôt judicieux. Évidemment, peut-être peut-on arriver à ces conclusions lorsque l'on a pour nom Pierre Berès ?

Qu'en pensez-vous ?

Mine de rien, chaque catalogue Pierre Berès que je prends en mains me donne une bonne leçon de bibliophilie et de librairie, sans le savoir, ou au contraire étant bien conscient de l'héritage qu'il léguait à ses collègues et amis bibliophiles, Pierre Berès nous laisse ainsi pénétrer dans un monde fait de merveilles et nous enseigne son art.

Bonne journée,
Bertrand

dimanche 27 septembre 2009

Les leçons de choses de Pierre Berès ou la bibliophilie expliquée au monde.





C’est dans le catalogue de la librairie Pierre Berès n°86 sorti en 1995 que l’on trouve, placé en tête, en guise d'introduction, un petit texte de la main de Pierre Berès lui-même.

Ce texte est intéressant à plus d’un titre car à mon sens il exprime de façon limpide et logique, et les vues du maître sur le livre, et comme il voit la bibliophilie. Il énonce d'une façon tout à fait admirable - à mon sens - ce que tout un chacun ici devrait ou voudrait savoir concernant les ouvrages rares, curieux, précieux ou tout simplement intéressants pour l’histoire de l’homme.

Pierre Berès a quitté physiquement le monde des beaux livres à l’été 2008 (28 juillet), mais il y a fort à parier que l’empreinte qu’il laisse, par ses beaux et savants catalogues, par les livres qu’il avait su proposer à un large public de bibliophiles (on trouve dans ses catalogues aussi bien des ouvrages d’un prix très élevé que des livres plus modestes à des prix restant abordables à la plupart des bibliophiles) sera éternelle ou presque.

Voici l'introduction signée du Prince des libraires :

"Livres & manuscrits significatifs et choisis.

Dès leur naissance, les sociétés occidentales ont vu de puissants personnages rechercher des objets précieux, parmi lesquels le livre occupe une place éminente. Des rois, des prélats, des amateurs ont commandé des manuscrits qui, par leur luxe et leur beauté, constituent de véritables oeuvres d'art, tandis que d'autres ont fait rechercher des textes scientifiques ou humanistes d'accès difficile. Ces objets uniques subsistent dans les bibliothèques et les musées, on peut les appeler ; les livres monuments.

A côté de ces manuscrits exceptionnels, des milliers d'autres livraient à la lecture et à l'enseignement un même texte en de nombreux exemplaires. Le développement de l'imprimerie fit surgir une nouvelle génération de livres semblables, sortant simultanément d'une presse, tous au même prix. C'étaient les innombrables éditions de commentaires, de gloses, si abondantes en matière de religion, d'histoire, de politique, etc., mais aussi toute la littérature grise, administrative et juridique, et la production, souvent fastidieuse, des polygraphes : ce sont les livres lambda.

Certains d'entre eux, en apparence sans intérêt, peuvent être réhabilités notamment par l'étude. Ils se rapprochent alors du nombre assez élevé de livres, produits depuis les temps les plus anciens de l'imprimerie, qui présentent des éléments d'intérêt intrinsèque. Apparition ou présentation originale du texte, illustration remarquable, signification d'un moment particulier de l'histoire de la civilisation, et bien d'autres éléments contribuent, après due appréciation, à ces distinctions. Ces ouvrages conservent à travers le temps une valeur stable, qui ne varie d'un exemplaire à l'autre, que suivant l'état de conservation, sous réserve, évidemment, des caprices de la mode. Des inventaires en ont été dressés, les meilleurs par De Bure, Brunet et Rahir. Ce sont les livres significatifs.

Qu'il relève de l'une ou de l'autre de ces deux dernières catégories, tout livre tiré sur un matériau particulier ou à un nombre suffisamment réduit, orné d'illustrations originales ou relié de façon spéciale, ou, mieux encore, portant mention d'une provenance illustre ou pertinente acquiert un attrait supplémentaire. La notion d'objet, réunissant beauté et rareté, y apparait avec évidence, de sorte que tout livre lambda ou significatif peut, dès sa naissance ou par intervention postérieure à sa publication, entrer dans la catégorie des livres choisis."

Pierre Berès,
introduction au catalogue 86 de livres & manuscrits significatifs et choisis,
1470-1895, 1995. 109 numéros.


Qu’en pensez-vous ? N’est-ce pas une belle façon de parler des beaux livres, des livres remarquables, des livres choisis ?

On a envie de dire en même temps que le grand satiriste :

"Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement …. Et les mots pour le dire arrivent aisément ! "

Nicolas Boileau, in L'art poétique, 1674.


Bonne nuit,
Bertrand


La bibliothèque des curieux, le Coffret du Bibliophile, la Collection des Maîtres de l'amour : Grands dédaignés des bibliophiles et pourtant...





Peu de bibliophiles argentés mais seuls quelques bibliomanes curieux aux moyens financiers limités, ont tenté de réunir la collection complète des ouvrages édités, au début du XXeme siècle, par les deux frères Briffaut, Robert et Georges, deux jeunes éditeurs installés à Paris, 4, rue de Furstenberg et qui eurent, cependant, des relations étroites avec Guillaume Apollinaire qui les encouragea à publier la collection des Maîtres de l'Amour et du Coffret du bibliophile.


Rien de bien neuf, on le sait, puisque les éditeurs belges Gay, Gay-Doucé, Kistemaeckers et l'érudit Isidore Liseux s'en étaient chargé précédemment. L'idée neuve était alors de toucher un public plus large, plus populaire en éditant des ouvrages traitant de littérature galante, érotique et romano-historique, mais parfois très documentée sur ces sujets brulants, à une époque où la censure était encore vigilante. C'est la raison pour laquelle, dans quelques cas précis et notamment pour les Mémoires d'une chanteuse allemande, la Vénus indienne ou les Tableaux des mœurs du temps, l'écriture a été parfois "allégée" et suggérée avec quelques points de suspension, entre autre..!




Alors, où réside l'intérêt d'une telle collection ? Dans le fait qu'un grand nombre de ces textes ont une préface et un essai de bibliophilie, en édition originale, de Guillaume Apollinaire.



J'ai tenté d'en dresser une liste complète, à l'intention des chercheurs et curieux, bien qu'un essai ait déjà été réalisé par Patrick Kearney. J'essaierai d'y apporter un regard nouveau, une iconographie différente et un classement plus aisé ainsi que des notes personnelles. Je n'oublierai pas de citer les collaborations de Fernand Fleuret, Louis Perceau, qui prirent parfois les pseudonymes de Radeville et Deschamps et les chercheurs infatigables qu'étaient Hector Fleischmann, Jean Hervez , qui n'était autre, que Raoul Vèze et qui signait aussi B.V. (i.e. de Villeneuve Bagneux), Fernand Fleuret, Louis Perceau. L'honneur revient donc à la publication de l'Enfer de la Bibliothèque Nationale de France.




Les deux éditions sont numérotées, sans justification précise de tirage (environ un millier: elles sont parfois devenues relativement rares toutes les deux), L'édition publiée par la Bibliothèque des Curieux, MCMXX, in 8° de 413 pp, regroupe 930 numéros, la première édition ayant été publiée par le Mercure de France, en 1913, in 8° de 415 pp. Remarquons également qu'il existe un tirage de tête sur Japon (10 exemplaires) et sur papier d'Arches (15, 20 et parfois 25 exemplaires), pour la collection des Maîtres de l'Amour et un tirage sur japon pour la collection des Coffrets du bibliophiles (10 sur Japon impérial, parfois 5 sur papier Japon ancien à la main et 5 sur Japon impérial, ainsi qu'un tirage numéroté sur Arches de 500 ou, parfois, 750 exemplaires, lors du premier tirage. "Le manuscrit de la Rome des Borgia, nous a été remis par la veuve d'un illustre historien, à cette fin que l'ouvrage fût publié et le nom de l'auteur fût scellé", nous dit G.A. dans son avant -propos, de 185 pp + table des matières, qui en est l'auteur, comme d'ailleurs, pour la fin de Babylone et les Trois Don Juan, publiés par les frères Briffaut. Ce sont des éditions originales. En voici la description :

Guillaume Apollinaire, la Rome des Borgia ; le pape Alexandre VI entre ses maîtresses ; César et Lucrèce. La fiancée de Jésus -Christ. Orgies cardinalices. Poison et inceste ; Les bas -fonds de la Rome des Borgia, ouvrage orné de 8 illustrations hors texte, Paris, Bibliothèque des curieux, MCMXIV, in 8° de 185pp, une table des matière de 5pp. et un extrait du catalogue de la Bibliothèque des curieux de 6 pp, reprenant, dans les ouvrages divers, Le nu au théâtre, les licences de l'art chrétien , Comment moururent les rois de France par le Docteur Witkowski, tous abondamment illustrés.


Guillaume Apollinaire, La fin de Babylone, 16 illustrations hors texte, Paris, bibliothèque des curieux, MCMXIV, 293 pp et 8 pp de table des matières ;

Guillaume Apollinaire, les Trois Don Juan. Don Juan Tenorio d'Espagne, Don Juan de Marana des Flandres, Don Juan d'Angleterre ouvrage orné de 12 illustrations hors texte de 314 pp, 7 pp de table des matières et 4 pp d'Extraits du catalogue de la B.D.C.

Dans la petite série du livre du boudoir, qui groupent 4 titres, Guillaume Apollinaire signe, en édition originale, une préface de 3 pages pour le Canapé couleur de feu, histoire galante par Fougeret de Montbron, suivi de la belle sans chemise ou Eve ressuscitée, petit in 16 carré de 144pp.

Notons ici, en passant que les 3 autres titres, préfacés par le Chevalier de Percefleur, qui n'est autre que Louis Perceau, sont Les Contes saugrenus de Sylvain Marechal, in 16° carré de 197pp ; le Cheveu par Simon Coiffier de Moret, in 16° carré de 152pp et les Mémoires de l'abbé de Choisy, habillé en femme, in 16° carré de 149pp.

Le plus grand nombre de préfaces et d'essais de bibliographies, en éditions originale d' Apollinaire, en premier tirage, est nettement plus important. En voici les titres et je commencerai par l'oeuvre du Marquis de Sade qui est une des premières pièces de ce poète dans le domaine de l'érotologie :

L'oeuvre du Marquis de Sade, Zoloé, Justine-Juliette ; la Philosophie dans le boudoir ; les Crimes de l'Amour ; Aline et Valcour, pages choisies, comprenant des morceaux inédits, des lettres publiées pour la première fois, tirées des archives de la Comédie française, comprenant 8 illustrations hors texte, in 8°de 326pp avec 56pp d'introduction et 11pp d'essai bibliographique.

L'Oeuvre du patricien de Venise, Giorgio Baffo, sonnets, madrigaux, canzoni, capitoli, traduction nouvelle, MCMIV, 17pp d'introduction et essai bibliographique, in 8°de 282pp + 6 pages de table des matières.

L'Oeuvre du Divin Aretin, 1ère partie, la Vie des nonnes, la vie des femmes mariées, la vie des courtisanes suivies des Sonnets luxurieux, traduction nouvelle et morceaux traduits pour la première fois, introduction et notes de G.A., MCMIX, in 8° de 230pp avec 19 pp d'introduction par G.A.

L'Oeuvre du Divin Aretin, 2ème partie, l'Education de la Pippa, les Roueries des hommes, la Ruffianerie , essai de bibliographie arétinesque par Guillaume Apollinaire avec portraits hors texte, MCMIV, in 8° de XXIX -268 pp. Certains et rares exemplaires renferment 12 aquarelles de Gerda Wegener, peintre et dessinatrice danoise, bien connue pour sa Suite d'aquarelles libres, les Délassements d'Eros (Erotopolis, à l'Enseigne du Faune, 1920-1921) qui était l'épouse du peintre Eimar Wegener( Lili Elbe) , un transsexuel.

L'Oeuvre libertine des Conteurs italiens, première partie, Nouvelles galantes de l'abbé de Casti, nouvelles de Giogio baffo, patricien de venise, Nouvelles galantes et érotiques de Domenico Battachi avec une introduction de 7pp et un essai bibliographique de 8 pp par G.A., MCMX, in 8° de 306pp.

L'Oeuvre libertine des Conteurs italiens, deuxième partie, Conteurs du XVème siècle comprenant les Proverbes en facéties d'Antonio Cornazzano, les Nouvelles de Masuccio, le gros menuisier ( anonyme), 2 illustrations hors texte, avec une introduction de 22 pp et un essai bibliographique de 10pp par G.A. MCMXI, in 8° de 274pp.

L'Oeuvre de Crébillon le fils, dans les différents âges de la vie, suivie de l'Histoire de Zaïrette par J. le Riche de la Popelinière, première partie, 9 pp d'introduction et 5 pp d'essai bibliographique par G.A., MCMXI, avec 2 hors texte, in-8 de 316pp. La deuxième partie est préfacée par de Villeneuve et non par Apollinaire et comporte 15 illustrations in et H.-T.

L'Oeuvre libertine des poètes du XIXème siècle, pièces recueillies par Germain Amplecas ( pseudonyme de G.A., l'abbé de Thélème autre pseudo du poête), Béranger, Roger de Beauvoir, ThéophileGauthier, Charles Baudelaire, Ccharles Monselet, Albert Glatigny, Paul Verlaine, avec les pièces échappées à nos meilleurs poètes, pendant les premières années du XIXème siècle avec une introduction de 9 pp de G.A., MXMX, in 8°de 245pp + 5 pp de table des matières.

L'Oeuvre du Comte de Mirabeau, l'Erotika Biblion, avec annotations du Chevalier de Pierrugues, la Conversion ou le Libertin de qualité, Hic et Hec ou l'art de varier les plaisirs en amour, le Rideau levé ou l'Education de Laure, le chien après les mones, le Degré des âges des plaisirs avec 1 portrait et un autographe en hors texte, introduction de21 pp et 6 pp d' essai bibliographique sur les ouvrages qui font l'objet de ce recueil par G.A.,MCMX, , in-8° de 290pp avec table des matières.

L'Oeuvre du Chevalier de Nerciat, première partie, le Doctorat impromptu, Félicia ou mes fredaines, Monrose ou le libertin de qualité, les Aphrodites, le diable au corps, etc... comprenant une œuvre entière, des morceaux ignorés avec des documents nouveaux et des pièces inédites concernant la vie d'Andréa de Nerciat, avec un portrait de de Nerciat hors texte, avec une introduction de 35pp et 23pp d'essai bibliographique par G.A., MXMX, in 8° de 292pp.

L'Oeuvre du Chevalier de Nerciat, deuxième partie, Félicia ou mes fredaines, texte intégral, d'après l'exemplaire de l'édition de Londres (Liège), de 1778, conservé à la Bibliothèque de Cassel avec une introduction de 6pp et 4pp d'essai bibliographique par G.A., MCMXI, in 8° de 322 pp (avec 4 pages du catalogue de la bibliothèque des curieux).

L'Oeuvre du Chevalier de Nerciat, troisième partie, Monrose ,le libertin par fatalité, texte intégral d'après l'édition de 1792 avec 4 illustrations hors texte introduction et essai bibliographique de 6 pp par G.A., MCMXII, in 8° de 396 pp.

L'œuvre badine de l'Abbé de Grécourt, Epigrammes, chansons, contes en vers, l'Art d'aimer, Philotanus, MCMXII, introduction de 7pp et 3 pp d'essai bibliographique par G.A., MCMXII, in 8° de 312 pp.

L'œuvre de Pierre Corneille Blessebois, le Rut ou la pudeur éteinte, histoire amoureuse de ce temps, le Zombi du Grand Pérou, 1 hors texte, avec une introduction de 6 pp et 6 pp d'essai bibliographique par G.A., MCMXII, in 8° de 289 pp.

L'œuvre de John Cleland, Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, avec des documents sur la vie à Londres au 18ème siècle et notamment la vie galante d'après les sérails de Londres, avec 6 hors texte, d'après la suite gravée par William Hogarth : la destinée d'une courtisane, introduction de 130pp et 4 pp d'essai bibliographique par G.A., MCMXIII, in 8° de 281pp.

L'œuvre des conteurs allemands, Mémoires d'une chanteuse allemande, traduite pour la première fois, en français avec des fragments inédits et une introduction de 7 pp par G.A., MCMXIII, in 8° de 285 pp.

L'œuvre des conteurs anglais, la Vénus indienne ou Aventures dans l'Hindoustan par le capitaine Devereux avec une introduction de 4pp par Fernand Laviet (pseudo de Guillaume Apollinaire), MCMXII, in 8° de 280 pp.

L'œuvre poétique de Charles Baudelaire, les Fleurs du mal, texte définitif avec les variantes de la première édition ( 1857), les pièces ajoutées dans les éditions de 1861, 1866, 1868, suivies des poèmes publiés du vivant et après la mort de l'auteur avec un portrait en hors texte, Paris, MCMXIV, avec une introduction de 5 pp par G.A.


En définitive, la collection complète des Maîtres de l'Amour comporterait 55 volumes.

Alfred Rose, dans son Register of Erotic books, London, private printed for subscribers, 2 vol. in4° de XII- 398 pp, tirés à 200 copies et groupant 5.061 numéros avait déjà tenté d'en dresser une liste et Jacques Pley, qui a établi un catalogue de la Bibliothèque de l'armateur Arpad Plesch dans sa Leonina III, curiosa, Monte carlo, 1955 cite un bel exemplaire relié avec le cachet
rouge historié de ce bibliophile, de la Polygamie sacrée au XVIeme siècle, première réédition d'un pamphlet anonyme de 1581, satire enragée contre la débauche du clergé, attribuée à Nicolas Barnault.

La contibution de Guillaume Apollinaire dans la collection du Coffret du bibliophile, également éditée par les frères Briffaut se trouve aussi, en édition originale sous forme d'introduction et d'essai bibliographique in-16 de IV-185pp, tirage numéroté à 750 exemplaires ; dans les volumes suivant :

Le joujou des demoiselles et le calembourg en action, 1910, in 16° de VIII-160pp ;

Julie philosophe ou le bon patriote, 1910, 2 volumes in16° de IV- 170 et 172 pp , tirage à 500 exemplaires numérotés ;

Le petit neveu de Grécourt , Etrennes gaillardes dédiées à ma commère, 1910, in 16° de IV-168 pp ;

Souvenirs d'une cocodette, écrite par elle-même,1910, in 16° de V-222 pp ; Il existe une réédition en 1934 avec 12 gravures à l'eau-forte par Luc Lafnet, tirée à 750 exemplaires ;

Le libertin de qualité ou ma conversion par le comte de Mirabeau, 1911, in 16° de v -156 pp ;

Un été à la campagne ou correspondance de deux jeunes parisiennes, recueillies par un auteur à la mode( Droz), 1910 ,in 16) de IV- 176 pp ;

Le Zoppino, plaisant dialogue dans lequel le Zoppino, devenu moine et Ludovic, putassier traitent de la vie et de la généalogie de toutes les courtisanes de Rome , 1911 , V-140 pp ;

Le canapé couleur de feu par Fougeret de Montbron, d'après l'édition originale (Amsterdam 1714), 1912, in 16° de V- 166 pp ;

La galerie des femmes, collection incomplètes de huit tableaux recueillis par un amateur, 1912, in 16° de v-167pp ;

Le Parnasse satyrique du XVIIIème siècle, d'après l'édition originale( Neuchatel, 1874), 1912, in 16° de IV-171pp ;

Les poèmes arétinesques, Tariffa delle puttane di Venegia, catalogue des principales courtisanes de V, tiré des archives vénitiennes( XVIème s.) et traduit pour la première fois en français, texte italien et traduction en regard, 1912, in 16° de III-175 pp ;

Histoire de Mademoiselle Brion, dite comtesse de Launay, 1913, in 16° de III-15 pp.

Les Sonnettes ou les Mémoires de J.Baptiste Guiard de Servigné, 1913, III-166 pp ;
Vasselier, Contes, 1913, in 16° de IV- 207 pp ;


Enfin, pour étoffer le petit essai entrepris par Patrick Kearney sur les frères Briffaut, dans ses addenda, j'ajouterai que l'édition du Rideau levé de Mirabeau, Vincennes , aux éditions du donjon, (1933), in-8° de 170pp, tiré initialement à 400 exemplaires avait été presque entièrement saisi par la police en avril 1933 et à peine, seuls 50 exemplaires y auraient échappés ! Cette édition est donc rare et n'est pas au P.C, ni répertoriée dans la Leonina, ni par Rose dans son registre des livres érotiques., cf Pia, 1178 et Dutel 2329.

J'aimerais aussi écrire quelques mots sur Renée DUNAN, Le Masque de fer ou l'amour prisonnier, Paris, Bibliothèque des curieux , 1929, in-8° de 284pp.

E
lle fut la première femme qui osa publier, sous le manteau, un roman pornographique assez cru Les Caprices du sexe, en 1928, qu'elle signa Louise Dormienne. Sa participation au mouvement DADA, l'amène à rencontrer André Breton, Louis Aragon, Paul Eluard et Picabia. Elle écrivit dans leurs revues et elle signa, sous le pseudonyme de Marcelle la Pompe, une courte notice, intitulée les Mouvements de Rimbaud, dans la préface de la deuxième édition des Stupra, d'Arthur Rimbaud, en 1925. On pouvait trouver ses articles aux côtés de ceux d'Henri Michaud, d'Antonin Artaud et de Max Jacob.

Cette fille d'industriel, née en 1892, à Avignon, élevée au couvent à 16 ans, fut d'abord journaliste et fit de la critique littéraire dans des journaux socialistes et anarchistes et débuta dans la littérature galante en 1922 avec la Triple Caresse que suivit la Culotte en jersey de soie, confidences d'une femme. Elle est l'auteur de plus de 40 romans et c'est elle qui disait: "Il faut oser dire n'importe quoi! La morale est ailleurs que là où on l'imagine" Et si l'on ne trouve aucun renseignement sur elle dans les dictionnaires de littérature contemporaine où figurent des auteurs mineurs moins dignes de la postérité, c'est bien là une preuve irréfutable de l'ostracisme qui frappaient les femmes écrivant franchement sur le sexe et c'est regrettable !

Bonne journée,
Vicomte Kouyakov

jeudi 24 septembre 2009

Un défi à la pesanteur : la haute bibliophilie.




Demain ce sera l'heure des vendanges pour le Bibliomane moderne... je poste donc ce soir une nouvelle facétie bibliophile... Photographie réalisée sans trucage ! L'humour est un des ingrédients essentiels à la bonne conduite du bibliophile aspirant ou vétéran.

Bonne soirée,
Bertrand

Un béotien en filigranes.


Je fais appel aujourd’hui à l’immense savoir des lecteurs du blog, plus ou moins jeunes, car je souhaiterais me documenter sur les filigranes utilisés aux XVIeme et XVIIeme siècles. J’ai trouve sur Google Books un article de Codologica de 1980 qui traite de la question.

De nombreux ouvrages semblent avoir été publiés à ce propos, quelles références bibliographiques me conseilleriez-vous ? Existe-t-il une banque d’images accessible via internet qui permette d’identifier la provenance du papier?

Je vous livre aujourd’hui quelques clichés de filigranes pris sur quatre volumes in-folio. Avez-vous déjà rencontré ces marques-là ? Est-il possible de dater leur année de fabrication ?

Les premiers concernent l’édition de 1513 de la traduction latine par Laurent Valle des guerres du Péloponèse de Thucydide, chez Josse Bade dont voici la page de titre :


J’ai relevé dans mon exemplaire quatre filigranes différents. Le papier étant relativement épais, les photos ne sont pas faciles à réaliser. J’ai procédé par éclairage indirect au spot….vos trucs et astuces sont les bienvenus :


Dans le volume suivant, l’édition de 1572 des Chroniques de Monstrelet chez Pierre L’Huillier, je n’ai relevé qu’une seule marque :


Par ailleurs ce médaillon vous est-il connu ?

Dans le volume suivant, l’édition de 1596 des Recherches de la France d’Etienne Pasquier j’ai relevé une marque pour la page de garde différente de celle visible dans tout le volume (les initiales BB). Je soupçonne par ailleurs la page de garde d’avoir été ajoutée ultérieurement lors de la reliure, la qualité du papier étant très différente de celle du reste de l’ouvrage. La datation de cette page de garde pourrait peut-être me fournir des informations intéressantes quant à la date de la reliure.


Enfin, un ouvrage de 1649 auquel il me manque malheureusement la page de titre : Histoire de l’église et diocèse, ville et université d’Orléans écrite par Guyon. Voici les 2 marques que j’ai pu repérer dans mon exemplaire :


Toutes vos remarques concernant les filigranes sont les bienvenues !!! Je vous remercie tous par avance et tout particulièrement Bertrand bien entendu.

Bonne journée,
Denis

PS : au risque d’abuser de votre bonté, si quelqu’un parvient à déchiffrer les tampons sur les pages de titre de l’édition de Thucydide et de Pasquier, je suis également intéressé !


mercredi 23 septembre 2009

Henry Kistemaeckers, éditeur et promoteur de la libre-pensée (1879)




Chers amis,

je relisais cet après-midi l'excellent billet de notre ami Xavier à propos de l'éditeur belge Henry Kistemaeckers et ses éditions de livres condamnables et condamnés, et dans le même temps, j'avais sous les yeux une de mes dernières acquisitions "infernales" (mon enfer n'est pas forcément celui des autres...), à savoir un ouvrage assez peu commun, subversif pour son époque et totalement politique, écrit sous le pseudonyme de Dom Jacobus (Charles Potvin pour les intimes), ayant pour titre : "Tablettes d'un libre-penseur". Publié sous la rubrique de Bruxelles, chez Henry Kistemaeckers, éditeur, 55, rue Royale, en 1879. Le volume est sorti des presses d'Alfred Lefèvre, le 20 décembre 1879.

Charmant petit volume, in-12, relié demi-basane bleu-marine avec filets dorés au dos, plats de papier marbré assorti. Volume parfaitement conservé, à l'état proche du neuf. L'intérieur est impeccable, sans rousseurs et imprimé sur un assez joli papier satiné.

Qu'est-ce que ce livre ?

Il s'agit d'un recueil d'articles originairement publiés dans divers journaux ou revues, la Nation, le National, la Revue trimestrielle et la Revue de Belgique. Ces études forment une série d'énergiques revendications contre les agissements et les empiétements du clergé.

L'esprit du livre est nettement formulé dans ce passage :

"Le premier ennemi de la civilisation est le christianisme, non seulement dans ses représentants égarés, mais dans son essence, sa nature, ses dogmes. Toutes les sciences humaines convergeant vers cette magnifique unité de la philosophie des nations se lèvent contre lui et portent témoignage. Une religion qui ne se sert pas du nom de Dieu pour élargir chaque jour l'horizon de l'intelligence et de la vie humaine est coupable de lèse-humanité."

Curieusement, c'est dans la revue "Le Livre" dirigé par Octave Uzanne (encore lui !) que j'ai retrouvé le plus bel article de critique sur cet ouvrage, venant de paraître. On trouve, dans un article non signé (Uzanne en est-il l'auteur ?? j'en doute.), dans la Bibliographie moderne de la Revue Le Livre, pour l'année 1880 (première année de la revue), un article plutôt compatissant et même pourrait-on dire, consentant.

Mais ce qui nous intéressera aujourd'hui, c'est compléter le portrait de l'éditeur Kistemaeckers, en donnant à lire la préface des "Tablettes d'un libre-penseur", qu'il s'est réservé.

Lisez plutôt :

"L'histoire de la Libre Pensée moderne aurait autant d'utilité que d'intérêt. On y verrait le travail incessant et non achevé du génie de la Révolution contre l'esprit du cléricalisme, en faveur de l'affranchissement de la raison et de la loyauté des moeurs. Le temps est loin où la démocratie pactisait avec l'église, lui laissait l'inspection de l'enseignement et la bienfaisance publique, lui demandait de bénir les arbres de liberté des Républiques, ainsi que le berceau, le mariage et la tombe des libre-penseurs !

On sait quelle part à prise en Belgique Dom Jacobus ou Dom Liber (Ch. Potvin), à cette oeuvre d'émancipation. Ses deux volumes : L'Eglise et la Morale (dont la seconde édition est épuisée) et son livre le Faux Miracle du Saint-Sacrement à Bruxelles, ne sont pas oubliés. Mais l'oeuvre d'un écrivain mêlé à ces débats quotidiens ne se borne pas à des livres ; il n'est pas de journaliste qui, en recueillant ses travaux, ne puisse apporter à l'histoire de la Libre-pensée une série de documents et d'enseignements qui, pour avoir été rédigés sous l'impression des circonstances, ne doivent que mieux conserver l'entrain de la lutte et comme l'odeur de la poudre. On y retrouverait : les polémiques nécessaires pour extirper des moeurs des démocrates toute hypocrisie religieuse, ou de leur esprit toute velléité de retomber dans de nouvelles formes cultuelles ; les utiles scandales pour braver l'intolérance et commander le respect des opinions libres, l'analyse des livres ou la revue des mouvements rationalistes ; les débris d'intérieur du parti, les discours portant l'idée dans les congrès ou sur des tombes, le souvenir de vaillants lutteurs ou de victoires durables, les essais de création d'école laïques en Europe, l'émancipation graduelle de la philosophie et de la morale de tout dogme religieux, et dans le fond du tableau, quelqu'auxiliaire du passé, comme le curé Meslier, Reimarus, Dom Deschamps, véritables "revenants de la Libre Pensée."

Ce recueil remonte au mois de janvier 1851. Avant la forte leçon du 2 décembre, la démocratrie belge rompait déjà avec l'Eglise et réclamait des institutions laïques pour tous les actes publics et privés de la vie des peuples.

L'écrivain s'est effacé autant que possible, élaguant tout ce qui lui était personnel pour mettre toujours en scène les doctrines, les idées, les luttes qui ont fait avancer l'oeuvre commune de la Libre Pensée. Il n'est pas un lecteur qui n'y retrouvera quelque chose de lui-même, comme un souvenir d'amis perdus, de livres préférés, de congrès dont il fit partie, et tout au moins les luttes, les convictions, les progrès de son esprit et son parti dans le mouvement de la pensée moderne.

De 1851 à 1880, le ton a changé, les principes sont restés les mêmes ; c'est en politique le droit commun, et par lui, l'entière sécularisation de la société ; c'est dans la vie privée, la loyauté de la tolérance des moeurs, le droit et le devoir de conformer ses actes à ses idées, et de tolérer le même exercice de la liberté chez tous les autres. Mais l'expérimentation scientifique complétant la méthode d'observation, a pénétré partout, aussi bien dans la psychologie et la morale que dans l'économie sociale et la paléoontologie, et l'on peut dire que ni la philosophie ni la politique, n'ont de force ni de succès à espérer qu'à la condition de devenir des sciences exactes.

Depuis Voltaire et Meslier et même Krause, Fenerbach et Proudhon, l'esprit de rationalisme a progressé dans ce sens, et la Libre Pensée doit placer tout son avenir dans les procédés de la science expérimentale. Le dernier mot de ce petit livre est là.

L'éditeur (Henry Kistemaeckers)


On comprend que M. Kistemaeckers ait eu quelques petits soucis avec la justice dans ses engagements !

Quel éditeur oserait aujourd'hui placer un tel manifeste en préface d'un livre franchement politique ?

J'espère que cette préface vous donne une idée plus complète encore de cet éditeur engagé et risque-tout, qui aurait pu conclure sa préface par ces mots : Nous vaincrons !

Bonne journée,
Bertrand

mardi 22 septembre 2009

Nature morte bibliographique. Facétie de Bibliomane.





Rien à lire. Facétie de bibliomane. Deux façons de voir la vie (de bibliophile).




Bonne journée,
Bertrand

lundi 21 septembre 2009

Au théâtre ce soir ou la grande affiche du Musée des théâtres de Paris pour l’année 1821.




Je vous propose aujourd’hui de vous immerger dans le Paris des théâtres de l’époque romantique.

Voici, trouvée au détour d’un joli petit almanach pour les dames et les demoiselles, une liste de ce qui pouvait faire les délices des amateurs de théâtre sous Louis XVIII.

Le jeune Victor Hugo n’avait pas encore donné la mesure de son immense talent sur les théâtres parisiens. A peine y distingue-t-on les noms d’un Eugène Scribe, d’un Désaugiers ou d’un Delavigne, seuls non encore un peu connus des amateurs de théâtre. Quant aux acteurs, certains de grande réputation à l’époque, comme Adolphe Nourrit ou Mademoiselle Flore, on les chercherait en vain aujourd’hui au panthéon des planches parisiennes.

Ce petit almanach relié en pleine soie rose décorée sur les plats de roulettes florales dorées, conservé dans son délicat étui cartonné recouvert du même précieux tissu, devait faire un bel effet à ces petites mains délicates qui le recevaient en cadeau à l’occasion des étrennes de 1822. On trouve d’ailleurs, relié à la fin, un calendrier pour l’an 1823. Ces petits almanachs sont assez courants, encore faut-il les dénicher en excellent état de conservation pour qu’ils aient tout leur charme intact. Ils sont si fragiles. Celui-ci est d’autant plus intéressant qu’il contient outre un très joli titre-frontispice colorié à l’époque, une suite de 11 belles figures hors-texte représentant les actrices et acteurs dans leurs rôles respectifs. Ces petites lithographies aux couleurs restées vives et chatoyantes sont de toute beauté.

A lire le résumé des pièces qui accompagne chaque titre cité (voir plus bas), on s’aperçoit que la bourgeoisie et l’aristocratie (les deux seules classes sociales auxquelles les portes des théâtres n’étaient pas fermées à cette époque) aimaient à s’amuser des petites gens qu’elles ne côtoyaient pourtant guère semble-t-il : La marchande de goujons, le valet de ferme, etc.

Ce qu’il est amusant de remarquer aussi, ce sont les remarques et critiques franches et acides du rédacteur de cette petite revue des théâtres parisiens. On lit à propos du Panorama de Paris, vaudeville joué à l’Opéra-Comique: « Un vaudeville à l’Opéra-Comique !... Pourquoi pas ? Le succès légitime tout. » et plus loin, à propos de L’île de Barataria : « Dieu nous préserve, dit-on souvent, des dîners d’amis, des concerts d’amateurs et du vin du crû ! on pourrait ajouter, avec raison, et des vaudevilles politiques. La pièce est tombée au milieu d’un grand charivari. » et encore plus loin, à propos des Horreurs à la mode, folie-parodie en un acte : « Pièce sifflée quatre fois de suite. Le titre promettait trop. » … L’auteur décrit des pièces qui n’ont même pas été jouées jusqu’au bout. Le public est parfois sévère. C’est encore vrai aujourd’hui.


Reliure en soie rose, fragile cartonnage éditeur.
Quelques défauts.



John Grand-Carteret dans son énorme volume « Les Almanachs français … de 1600 à 1895 » (Paris, Alisié, 1896), cite ce petit almanach sous la notice n°1958 et en reproduit le titre-frontispice (en noir). Il écrit :

"Ravissant petit almanach avec frontispice et portraits d’acteurs coloriés. Le frontispice représente un afficheur placardant l’annonce de la publication ; tout autour sont les affiches des représentations du jour. Ce texte est un compte-rendu, par théâtre et par date chronologique, des pièces représentées dans le courant de l’année (1821), avec les meilleurs couplets des vaudevilles à la mode. L’almanach s’ouvre sur un dialogue entre un musard et l’afficheur (…)"

Grand-Carteret ne cite pas d'autres almanachs du même genre pour d'autres années. Ont-ils existés ? Il serait amusant d'avoir en mains un Musée des théâtres pour l'année 1830... la bataille d'Hernani racontée aux dames...

Grand-Carteret cite l’exemplaire de la collection Victorien Sardou et celui du Catalogue Sapin, coté 18 francs.

Liste des figures coloriées représentant les acteurs et actrices.


M. NOURRIT. Académie Royale de musique. Rôle du Tasse dans La mort du Tasse (Opéra).


M. MARTIN. Théâtre de l’opéra comique. Dans le rôle du maître de chapelle.


Mme LEMONNIER. Théâtre de l’opéra comique. Rôle de Mina dans Folle par amour.


Mme PERRIN. Théâtre du vaudeville. Rôle de Cécile dans Le somnambule.


M. PHILIPPE. Théâtre du vaudeville. Rôle de M. Déluge dans le Permesse gelé.


Mlle RIVIERE. Théâtre du vaudeville. Rôle d’Alphonse dans La demande en grâce ou les pages de Manchester.


Mme ODRY. Théâtre des variétés. Rôle de Blaisot dans le Pâris de Surêne.


Mlle FLORE. Théâtre des variétés. Rôle de Frâiche Marée dans La marchande de goujons.


M. LE PEINTRE. Théâtre des variétés. Rôle de Mr. Lerond (Vaudeville).


M. POTIER. Théâtre de la Porte St-Martin. Rôle de Quinquina dans Mr. Quinquina (Vaudeville).


Mlle JENNY-VERTPRE. Théâtre de la Porte St-Martin. Rôle de la Princesse Abricotine dans Riquet à la houppe.


Liste des pièces jouées dans l’année 1821 et résumées dans ce petit almanach.

Académie Royale de musique : La mort du Tasse, opéra en trois actes (7 avril) – Blanche de Provence, opéra en trois actes (3 mai) – La fête hongroise, ballet (juin) – Les Bayadères, opéra en trois actes (17 août).

Théâtre français : Le mari et l’amant, comédie en un acte et en prose (15 février) – Zénobie, tragédie en cinq actes (23 février) – La femme, comédie (8 mars) – Le faux bonhomme, comédie en cinq actes et en vers (7 avril) – L’heureuse rencontre, comédie en trois actes et en vers (1er juin) – La mère rivale, comédie en trois actes et en vers (4 juin) – Le retour ou l’oncle et le neveu, comédie en un acte et en vers (1er août).

Opéra comique : Les caquets, comédie (19 février) – Jeanne d’Arc, opéra-comique en trois actes (10 mars) – Le maître de chapelle, comédie arrangée en opéra-comique (20 mars) – Le jeune oncle, opéra en un acte (10 avril) – Le panorama de Paris, vaudeville (30 avril) – Mina ou la folle par amour, opéra-comique en un acte, reprise (mai) – Emma ou la promesse imprudente, opéra-comique en trois actes (7 juillet).
Second théâtre français : Baudouin, tragédie en cinq actes (28 février) – La voyage à Dieppe, comédie en trois actes et en prose (1er mars) – Frédégonde et Brunehaut, tragédie en cinq actes (27 mars) – L’hôtel des invalides ou la députation, comédie en un acte et en prose (30 avril) – Le présent du Prince ou l’autre fille d’honneur, comédie en trois actes et en prose (15 mai) – Oreste, tragédie en cinq actes (16 juin).

Théâtre du Vaudeville : Les étrennes du Vaudeville, tableau en un acte (1er janvier) – Frontin Mari Garçon, vaudeville en un acte (18 janvier) – La somnambule, comédie-vaudeville en deux actes (25 janvier) – Mon oncle César, vaudeville en deux actes (3 février) – La solliciteuse ou l’intrigue dans les bureaux, vaudeville en un acte (13 février) – Le Permesse gelé ou les glisseurs littéraires, revue en un acte (24 février) – Le château de Becherel, comédie-vaudeville en un acte (13 mars) – Le Capitaine d’Artimon ou le mariage à coups de sabre, vaudeville en un acte (24 mars) – La créancière, vaudeville en deux actes (6 avril) – Le Rout ou la soirée anglo-parisienne, vaudeville en un acte (14 avril) – Nice, parodie de Stratonice (28 avril) – Le baptême de village, vaudeville en un acte (30 avril) – L’île de Barataria, vaudeville en un acte (21 mai) – Un jour à Rome ou le jeune homme en loterie, vaudeville en un acte (29 mai) – La demande en grâce ou les pages de Manchester, comédie-vaudeville en un acte (14 juin) – Jodelle ou le berceau du théâtre, comédie-vaudeville en un acte (25 juin) – Une promenade à Vaucluse, vaudeville en un acte (12 juillet) – La Nina de la rue Vivienne, folie en un acte (24 juillet) – Les comédiens ou la répétition de Psyché, vaudeville en un acte (2 août) – Le traité de paix, vaudeville en un acte (16 août).

Gymnase-Dramatique : Le secrétaire et le cuisinier, vaudeville en un acte (10 janvier) – La femme du sous-préfet ou le charlatan, vaudeville en un acte (18 janvier) – Le colonel, comédie-vaudeville en un acte (29 janvier) – Monsieur Sensible, vaudeville en un acte (1er mars) – Le gastronome sans argent, comédie-vaudeville en un acte (10 mars) – Le jeune homme en loterie, comédie en un acte et en prose (17 mars) – La française, opéra-comique en un acte (10 avril) – Le parrain, comédie en un acte et en prose (23 avril) – Le ménage de garçon, vaudeville en un acte (27 avril) – Le château de Chambord, vaudeville en un acte (30 avril) – La meûnière, opéra-comique en un acte (16 mai) – Les deux capitaines, vaudeville en un acte (29 mai) – La petite sœur, vaudeville en un acte (4 juin) – Les deux balcons, comédie en un acte et en prose (7 juin) – Le comédien d’Etampes, vaudeville en un acte (23 juin) – Un jeu de bourse ou la bascule, comédie en un acte et en prose (7 juillet) – La vente après décès, opéra-comique en un acte (1er août) – Le mariage enfantin, vaudeville en un acte (16 août) – Monsieur Courtois ou la Saint-Louis, vaudeville en un acte (24 août).

Théâtre des Variétés : Le Pâris de Surêne ou la clause du testament, vaudeville en un acte (6 janvier) – Les horreurs à la mode, folie-parodie en un acte (22 janvier) – L’intérieur de l’étude, vaudeville en un acte (1er février) – Garrick, vaudeville en un acte (22 février) – Le procès ou les deux anneaux, vaudeville en un acte (14 mars) – Monsieur Ragot ou la dinée de la diligence, comédie en un acte (19 mars) – Les voleurs supposés, vaudeville en un acte (27 mars) – La marchande de goujons ou les trois bossus, vaudeville grivois en un acte (31 mars) – Le garde-chasse de Chambord, vaudeville en un acte (30 avril) – La campagne, vaudeville en un acte (7 mai) – Monsieur Lerond, vaudeville en un acte (24 mai) – L’auberge du grand Frédéric, vaudeville en un acte (6 juin) – La femme peureuse ou le jaloux à Baréges (27 juin) – Le valet de ferme, vaudeville en un acte (18 juillet) – Le nouveau Cassandre, vaudeville en un acte (8 août) – Les joueurs ou la hausse et la baisse, vaudeville en un acte (18 août) .

Théâtre de la Gaieté : Les trébuchets, vaudeville en un acte (27 janvier) – La prise de Milan, mélodrame en trois actes (février) – L’amant intrigué, comédie en un acte (24 mars) – Les deux baptêmes, vaudeville en un acte (30 avril) – La sorcière, mélodrame en trois actes (3 mai) – Les corsaires pour rire, vaudeville en un acte (5 juin) – La fête de Jean-Bart, vaudeville en un acte (21 juin) – Le mont Sauvage, mélodrame en trois actes (12 juillet).

(Théâtre de l’) Ambigu-Comique : Le deuil, vaudeville en un acte (1er février) – Le favori du grand Turc, vaudeville en un acte (1er mars) – La famille irlandaise, mélodrame en trois actes (22 mars) – Les deux baptêmes, vaudeville en un acte (30 avril) – Anne de Boulen, mélodrame en trois actes (sans date ??) – La suédoise, mélodrame en trois actes (11 août).

(Théâtre de la) Porte St-Martin : Isabelle de Levanzo, mélodrame en trois actes (25 janvier) – La servante justifiée, vaudeville en un acte (6 février) – Les deux veuves ou les contrastes, vaudeville en un acte (10 avril) – Les suites d’un bienfait, vaudeville en un acte (30 avril) – Le blocus, vaudeville en un acte (24 mai) – Les Mogols, mélodrame (2 juin) – Le solitaire, mélodrame en trois actes (12 juillet) – Les ermites, vaudeville en un acte (25 juillet) – suit une liste de pièces de théâtre dont M. Potier est l’acteur principal (de 1818 à 1821).

(Théâtre du) Panorama-Dramatique : Ismayl et Margam, mélodrame-pantomime en trois actes (sans date) – Monsieur Boulevard, prologue d’ouverture (14 avril) – Les faubouriens de Paris, vaudeville en un acte (30 avril) – Une nuit de Séville, vaudeville en un acte (29 mai) – Le petit Georges, vaudeville en un acte (5 juin) – La prise de corps, comédie en un acte (26 juin) – Sydonie ou la famille Meindorff, mélodrame en trois actes (3 juillet).

Peut-être dans ce compte-rendu des théâtres parisiens de la première moitié du XIXe siècle s’éloigne-t-on de la bibliophilie ou de la bibliomanie habituelle professée ici, mais je ne le crois pas. J'ai pris beaucoup de plaisir à rédiger ce billet, en espérant votre plaisir en réciproque.

Bonne semaine,
Bertrand

dimanche 20 septembre 2009

Le Mystère des impressions en blanc.



Mes biens chers frères bibliophiles, en ce premier dimanche de la saison des pluies, je voudrais m’entretenir avec vous d’un sujet moral, particulièrement délicat, suscité par les commentaires de Bertrand : le juste prix du livre. Sujet qui ne peut que faire couler beaucoup d’encre bibliomaniaque et propulser cet article au premier rang de ceuxsses les plus commentés !!

Pour cela, je suis allé chercher sur un rayon poussiéreux au dernier étage de ma bibliothèque, là où nichent les hiboux, un livre de circonstance, le Livre, devrais-je dire, (Biblos en grec) que tout trader de banque ou honnête libraire devrait lire, méditer, et ranger entre le Tarif des Monnaies et les Œuvres complètes du Marquis de Sade. Il s’agit du Theologi Gabrielis Byel Super Quattuor Libros Sententiarum de Gabriel Biel.






Gabriel Biel, dit le dernier des scholastiques (c.1420 -1495) était un théologien allemand né à Speyer, ordonné prêtre en 1432, il étudia à Heidelberg et Erfurt, devient prieur de la cathédrale de Mainz puis fonda la chaire de théologie de la toute nouvelle université de Tübingen (1477), poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. Il est surtout connu aujourd'hui pour son influence sur Luther, par l'intermédiaire de maîtres nominalistes comme lui. Sa première publication fut les canons de la messe, mais son œuvre la plus importante reste les Quatre Livres des Sentences de Pierre Lombard, dans lesquels il se déclare héritier spirituel de Guilllaume d’Ockham.

Petit rappel de quelques notions de scholastique pour ceux qui auraient séché le catéchisme.

Guillaume d'Ockham (c.1285 - 1347), dit le « vénérable initiateur » (Venerabilis inceptor), était un théologien anglais, membre de l'ordre franciscain, considéré comme le plus éminent représentant de l'école scolastique nominaliste. Il est allé plus loin que saint Thomas d'Aquin dans l'affirmation de la séparation de la raison et de la foi, en posant qu'il n'y a pas de hiérarchie entre la philosophie et la théologie. L'un des personnages du Nom de la rose d'Umberto Eco, le moine franciscain Guillaume de Baskerville est, de l'aveu même d'Eco, un clin d'œil à Guillaume d'Ockham.

Sur ses traces, le génie de Gabriel Biel fut d’avoir développé des théories économiques nouvelles, auxquelles il est parvenu par des chemins de traverse en commentant les œuvres de Lombard et d’Ockham.

Ainsi, au livre IV des Quatre Livres des Sentences, il en arrive à la délicate question du bien et du mal dans le commerce. Est-il bien ou mal d’acheter un livre 100 et de la revendre 200 ? Quel est le fruit de mon travail, ma valeur ajoutée ? Petit à petit, il en arrive à dégager la notion de juste prix.

Selon Biel, le juste prix d’une commodité est principalement déterminé par les besoins humains, par la rareté de la ressource et la difficulté à la produire Il énumère ainsi tous les facteurs qui gouvernent le prix du marché et il est en cela plus en avance que St Thomas puisqu’il n’attache à la notion de profit aucun stigmate, considérant que le profit est un bien en soi, et que les marchands sont autorisés à se rémunérer pour compenser le risque lié à leurs affaires. (Cf. Garnier, L'idée du juste prix, 77 et Wihlem Roscher. Geschichte der Nationalokonomik in Deutschland, 21 sq.)

Tout ceci nous parait sans doute évident aujourd’hui, dans notre monde capitaliste, le juste prix est le résultat de l’équilibre entre l’offre et la demande, équilibre non perturbé par des distorsions de concurrence, mais il est amusant d’apprendre que des sujets tels que l’abus de position dominante ou l’entente illégale entre concurrents ont été déduits par Biel il y a plus de 500 ans !
Gabriel Biel a également écrit un ouvrage spécifique sur la théorie monétaire, Ein wahrhaft goldenes Buch (que je n’ai pas encore réussi à dénicher) dans lequel il dénonce l’arbitraire avec lequel les Princes battaient monnaie.

Amis libraires, je vous enverrais, sur simple demande, la table des matières du livre IV, pour que vous retrouviez plus facilement la question métaphysique qui vous taraude …et vous laisse deviser sur le prix du livre.



Pour tout vous dire, ce livre de Gabriel Biel avait quitté mes rayons depuis quelques temps déjà car j’envisageais d’écrire un petit papier sur un mystère des premier temps de l’imprimerie, mystère des plus épais car je ne suis pas parvenu à trouver un seul article ou document de référence pour étayer mes propos : Il s’agit des impressions en blanc.

Si nous reprenons la page de titre du livre second des Quatre Livres des Sentences et que nous l'examinons à la lumière rasante, nous voyons apparaitre d’étranges marques incrustées dans le papier. Des signes cabalistiques, que les imprimeurs semblent avoir dispersés sur toute la surface des pages de titre ou des derniers feuillets, partout où il existe un espace non imprimé. Une petite dizaine de page sont ainsi recouverte de signes, difficilement lisibles … CAX BDHI …





Ces marques apparaissent parfois sur des ouvrages du XVeme et du tout début du XVeme siècle. Tous les livres de cette époque ne sont pas marqués ainsi d’impressions en blanc, cela doit même être assez rare puisque je n’ai pas plus de deux ou trois ouvrages en comportant.

Plusieurs hypothèses sont permises :

- Un message caché ? Peut-être que messieurs Jean Bienayse et Jacques Ferrebouc, imprimeurs du libraire François Regnault, voulaient-ils transmettre en ce jour du 22 février 1514 un secret ? Auraient-ils découvert un exemplaire du traité de Mazandarani qui donne le centième nom ? Pour cela il faudrait déchiffrer le code de ce message secret et je dois dire que toutes mes tentatives ont échouées.

- Une protection contre le mauvaise œil ? Bien utile en ces temps où plus d’un imprimeur finissait sur le bucher.

- Une astuce typographique qui servait à maintenir la feuille de papier sur le marbre ? Mais alors pourquoi cette technique n’a été employée que sur quelques ouvrages et pendant un laps de temps assez court ? De surcroit, il doit être particulièrement difficile d’encrer avec le tampon de cuir le texte qu’on souhaite imprimer et laisser en blanc des lettres qui sont situées proches du texte écrit !

« il ne faut pas multiplier les explications et les causes sans qu'on en ait une stricte nécessité. » (Entia non sunt multiplicanda praeter necessitatem). (Guillaume d’Ockham)

Je crois que vous ne serez pas trop d’une centaine de lecteurs assidus du Bibliomane Moderne pour percer ce secret …

Bonne Recherches !

Textor

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